G.Paquette: Enlightenment, Governance and Reform in Spain and its Empire

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Titel
Enlightenment, Governance and Reform in Spain and its Empire, 1759–1808.


Autor(en)
Paquette, Gabriel
Reihe
Cambridge Imperial and Post-Colonial Studies Series
Erschienen
Basingstoke 2011: Palgrave Macmillan
Anzahl Seiten
264 S.
Preis
£19.99
Rezensiert für H-Soz-Kult von
Lluís Roura i Aulinas, Universitat Autònoma Barcelona

La parution de l’édition en poche d’ Enlightenment, Governance, and Reform in Spain and its Empire, 1759–1808 est une excellente nouvelle. Elle mettra en effet à la portée d’un vaste public le travail à la fois intéressant et suggestif de Gabriel B. Paquette sur le réformisme bourbonien dans le monde hispanique, dont la première édition —reliée— a été publiée en 2008.

Le propos général de l’ouvrage est l’analyse des idées politiques qui animèrent les réformateurs du gouvernement de la monarchie espagnole, aussi bien dans la Péninsule que dans les territoires de l’empire atlantique, durant les règnes de Charles III et de Charles IV. L’auteur se propose de détecter puis de suivre l’évolution des idées-clés de cette période et d’observer aussi bien leur application à la politique que les répercussions intellectuelles qui en découlèrent.

Dans les premières pages de sa généreuse introduction, Gabriel Paquette a recours au symbolisme plastique de la représentation picturale de Gianbattista Tiépolo pour le salon du Trône du Palais d’Orient de Madrid —Wealth and Benefits of the Spanish Monarchy under Charles III, 1762. Cette œuvre, qui est reproduite en noir et blanc —complètement et avec certains détails— dans les dernières pages de l’introduction, constitue un témoignage remarquable aussi bien de la volonté monarchique de se sentir porteuse de la prospérité économique et de la suprématie impériale que d’un large état de l’opinion qui se montrait consciente du caractère intimement lié des politiques ultramarine, européenne et péninsulaire de la monarchie espagnole.

L’introduction est complétée par un très utile bilan qui anticipe le contenu de l’ouvrage, et par une brève mais excellente révision de l’historiographie sur le réformisme bourbonien espagnol ; tout en prêtant toujours une attention spéciale aux facteurs et aux influences qui donnèrent pied à la formation des « ideas carolinas » (idées du roi Charles III) du gouvernement. Ce bilan constitue un bref avant-goût des vastes connaissances que montre Gabriel Paquette en ce qui concerne l’historiographie de la période étudiée. Et c’est de cela, de même que de la rigueur de l’ensemble de son ouvrage, que donnent foi les cinquante-trois pages de notes et de références, ainsi que les trente-deux pages de sources et de bibliographie.

Le livre est structuré en quatre chapitres, bien qu’en réalité il propose trois grands domaines d’analyse du monde hispanique du XVIIIe siècle. Tout d’abord, il effectue une approche de l’histoire intellectuelle de la politique réformiste et interventionniste de la monarchie bourbonienne, en insistant sur l’influence qu’y exercèrent aussi bien les courants péninsulaires que les idées économiques importées. Ensuite, il porte une attention toute spéciale à la nécessité de réintégrer l’histoire péninsulaire dans le cadre de l’histoire atlantique et européenne. Et, finalement, il souligne l’importance qu’il y a à comprendre comment les acteurs des colonies menèrent à terme une politique dictée par le réformisme métropolitain.

Dans le premier chapitre —L’impact intellectuel de la rivalité internationale—, l’auteur présente la fécondité des Lumières en Espagne. Et cela, non seulement grâce à l’arrivée des nouvelles idées sinon aussi de la formation d’idées propres et de la capacité d’émulation sélective des modèles et des pratiques d’autres pays. L’auteur revendique tout spécialement de ce point de vue le rôle joué par une figure telle que Campomanes. Parallèlement, il analyse le paradoxe qui découle de l’incidence des rivalités politiques dans la réception des idées et des pratiques étrangères ; c'est-à-dire qu’apparaît à son tour, conjointement à l’attraction exercée par ces idées et ces pratiques parmi les réformateurs, la répulsion irritée de ceux-ci quant au mépris envers l’Espagne qui surgit de la Légende noire, tout spécialement de la légende hispano-américaine. L’auteur l’illustre particulièrement avec l’analyse de la réception de l’Histoire des deux Indes (1770) de l’abbé Raynal au travers de l’œuvre du duc d’Almodóvar, qui met en évidence à son tour la fonction politique que l’on considérait que devait exercer l’Histoire dans l’Espagne bourbonienne.

Bien-être public, régalisme et idéologie de la gouvernance bourbonienne est le titre du second chapitre, qui occupe un lieu central dans l’étude de Gabriel Paquette. Après s’être référé au bien-être public comme à l’un des concepts auxquels faisait appel le réformisme éclairé, l’auteur centre son attention sur l’analyse des caractéristiques et de l’impact qu’eurent les disputes autour de la relation Église-État dès avant le règne de Charles III bien qu’en se centrant sur le règne de ce monarque. Sans le moindre doute, l’analyse approfondie du régalisme bourbonien constitue un des éléments essentiels non seulement de ce chapitre sinon de l’ensemble de l’ouvrage. L’auteur lui consacre une attention toute particulière à différents niveaux : le sens et la charge sémantique du concept, ses origines intellectuelles —en soulignant qu’elles ne répondent pas seulement à l’importation de certains courants de la pensée étrangère mais pour l’essentiel à l’enracinement dans la tradition espagnole même—, la portée de la politique régaliste, la fusion entre régalisme et « bien-être public »… Selon Gabriel Paquette, le régalisme correspond en fin de compte à la conviction politique selon laquelle la centralisation de l’autorité est une condition indispensable pour atteindre complètement le bien-être public. Le chapitre conclut avec trois références concrètes qui avalisent la thèse de l’auteur : la crise avec la papauté dans le duché de Parme —qui culmina avec ce qu’il est convenu d’appeler le « monitorio [admonestation] de Parma », qui condamnait le programme réformiste comme hérétique— ; les expectatives générées dans la planification de l’établissement de nouvelles populations dans la Sierra Morena ; et la volonté de la monarchie de mener à terme une codification des lois qui ne donne lieu à aucun doute quant à l’autorité exclusive de la monarchie dans l’exercice de l’autorité politique.

Le troisième chapitre —Gouvernance impériale et réforme : idées et projets— analyse, dans la même ligne que le chapitre précédent, l’application du concept d’État qui découle du régalisme dans la politique d’outremer. L’auteur conclut qu’il ne s’agit pas d’une politique qui pourrait être menée à terme de manière automatique sinon que les exigences locales, la diversité des circonstances et le poids des préférences personnelles contribuèrent à frustrer une bonne partie des perspectives dictées par le gouvernement bourbonien de Madrid. Au fil de ces pages, il prête une attention spéciale aux questions relatives aux réformes qui affectaient le commerce, le commerce des esclaves, la population et l’agriculture, et il observe de manière particulière l’exemple des Caraïbes espagnoles.

Le dernier chapitre —Élites coloniales et gouvernance impériale— est consacré à l’analyse des principales idées qui stimulèrent les activités intellectuelles et politiques des consulats et des sociétés économiques dans trois des principales villes d’Amérique hispanique, Buenos Aires, Santiago du Chili et La Havane. L’auteur avertit que l’esprit des réformes ne doit pas être considéré nécessairement comme un élément précurseur de l’indépendance. Les Lumières en Amérique hispanique ne furent pas, en de nombreux aspects, un mouvement subversif sinon qu’elles furent dans une bonne mesure, comme en Europe, un mouvement préoccupé par le maintien de l’ordre établi. Gabriel Paquette conclut ce chapitre en soulignant que ce fut seulement « l’absence de l’autorité du roi —qui se produisit avec l’abdication de Charles IV et de Ferdinand VII— et non son exercice qui favorisa la crise qui conduisit diverses provinces de l’empire espagnol à envisager l’inévitable problème de la souveraineté ».

Dans la conclusion de l’ouvrage, l’auteur avertit qu’en dépit de l’existence d’une abondante historiographie sur le réformisme bourbonien il a prétendu la compléter dans un domaine qui demeurait dans une bonne mesure négligé, celui du « changement dans la conception de la gouvernance et des réformes en Espagne et dans son empire ». Pour ce faire, il a porté une attention spéciale, au fil de cet ouvrage, aux origines intellectuelles du réformisme, à la problématique de son application, à l’impact de la rivalité internationale, au poids des idées juridiques —et tout spécialement du régalisme—, à la transformation des principales institutions d’outremer et au rôle des activités intellectuelles des élites coloniales. De tout cela, Gabriel Paquette conclut que « la jurisprudence régaliste, l’économie politique et l’émulation critique des institutions et de la législation étrangères furent les principaux piliers sur lesquels fut érigé l’édifice des réformes bourboniennes ».

Enlightenment, Governance, and Reform in Spain and its Empire est sans le moindre doute un livre qui élargit le champ de vision au travers duquel l’historiographie du dernier quart de siècle a étudié le réformisme bourbonien, avec en outre le mérite de le faire au travers d’une approche qui envisage globalement tout le domaine hispanique, péninsulaire ou métropolitain et d’outremer. Pour toutes ces raisons, l’étude de Gabriel Paquette est tout spécialement stimulante, suggérant un grand nombre de questions à réviser et de nouveaux domaines d’étude à analyser. Sans le moindre doute, il s’agit d’un ouvrage académique intelligent, qui a le mérite supplémentaire d’offrir une structure simple et une rédaction fluide qui faciliteront, de surcroît, la diffusion bien au-delà du domaine des spécialistes. Il s’agit d’un livre qui intéressera, par conséquent, tout érudit qui pourra se sentir motivé par l’histoire espagnole, européenne et hispano-américaine. Quel dommage, cependant, que la pauvreté de l’index thématique ne permette pas de faire de ce livre un ouvrage de consultation comme il l’aurait mérité!

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