L. Rappo: Strambino

Titel
Un évêque sous surveillance, d’après le journal du conseiller Python (1675−1676).


Autor(en)
Rappo, Lucas
Reihe
Archives de la Société d’histoire du canton de Fribourg [ASHCF] 16
Erschienen
Fribourg 2014: Société d’histoire du canton de Fribourg
Anzahl Seiten
160 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Lorenzo Planzi

Le concile de Trente institue la visite pastorale de l’évêque dans ses paroisses diocésaines comme une pratique essentielle, à répéter chaque année. Mais qu’en est-il de la réception de Trente à Fribourg? Une réforme religieuse y est bien menée à la fin du XVIe siècle par le duo des chanoines Pierre Schneuwly, prévôt du chapitre, et Sébastien Werro, curé de ville. Dans leur mission, ils sont aidés par le nonce Jean-François Bonomi et soutenus naturellement par le gouvernement fribourgeois, se targuant d’une solide légitimité dans la gestion des affaires ecclésiastiques. Fribourg accepte les décrets dogmatiques du concile tridentin, mais pas ceux relatifs à la discipline, ce qui ne rendra pas la tâche aisée aux évêques du siècle suivant.

C’est dans ce contexte que l’évêque Jean-Baptiste de Strambino est nommé à Fribourg en 1662. Venant de Savoie et nommé suite à la proposition du duc Charles-Emmanuel II, le prélat est tout juste toléré à Fribourg avant que le gouvernement juge sa présence indésirable. Mgr de Strambino est en effet le premier évêque à résider de manière permanente dans le diocèse depuis la perte de la résidence lausannoise en 1536. Sa présence remet donc en question l’indépendance du chapitre collégial, composé essentiellement de membres des familles patriciennes les plus en vue à Fribourg. En conformité aux prescriptions tridentines, le nouvel évêque effectue une première visite pastorale en 1663, voulant contrôler l’état du chapitre de Saint-Nicolas. Lequel s’y oppose, se déclarant comme exempté de visites pastorales depuis sa fondation en 1512. Entre 1666 et 1668, Strambino entreprend une seconde visite, sur laquelle nous avons très peu d’informations.

Mais c’est sa troisième visite pastorale, entre 1675 et 1676, qui retient l’attention de l’historien Lucas Rappo dans son beau livre édité par les soins de la Société d’histoire du Canton de Fribourg. Son étude relate du tour des paroisses par l’évêque Jean-Baptiste de Strambino, en compagnie d’un patricien chargé… de le surveiller plus que de l’assister: il s’agit de François-Prosper Python, titulaire jusqu’à alors de diverses fonctions gouvernementales. Secrétaire du Petit Conseil (1660− 65) et membre de ce dernier (1664−68), bailli d’Orbe-Echallens (1665−70), puis bailli de Lugano (1688−90), Python rédige un journal, racontant son expérience d’accompagner l’évêque diocésain durant les visites des paroisses de la Gruyère. Journal que Lucas Rappo publie en version original et version française. Sa publication intégrale paraît d’autant plus nécessaire, comme l’observe Jean Steinauer dans l’avant-propos du livre, «que l’Ancien Régime à ses débuts souffre de graves carences dans l’historiographie fribourgeoise, au moins en français» (7).

Lors des tournées pastorales entre 1675 et 1676, le journal de Python illustre les péripéties de son voyage avec l’évêque, «les conflits avec le clergé ou les autorités locales, les discussions qu’il entend et tout ce qui lui semble digne d’intérêt pour remplir la mission confiée par Leurs Excellences de Fribourg» (13). Tout cela est bien contextualisé par Rappo, qui trace un portrait inédit du diocèse de Lausanne après la Réformation, n’oubliant pas de jeter un coup d’œil aux visites pastorales avant Strambino. Mais le cœur de son livre tient naturellement au journal de Francois-Prosper Python, écrit en français et allemand, comptant 180 pages et une feuille volante, dont une soixantaine dédiées aux visites pastorales en Gruyère.

Ecuvillens, Autigny, Villaz-Saint-Pierre, Romont, Berlens, Grangettes, La Tour-de-Trême, Gruyères, Neirivue, Albeuve, Montbovon, Lessoc, Grandvillard, Broc, Echarlens: la troupe passe par seize paroisses en douze jours, visitant au maximum quatre paroisses en une journée. Les trajets se font à cheval, le temps de déplacement entre les différents lieux n’étant pas négligeable. «Le rythme est plutôt lent, et l’évêque s’attarde dans les paroisses, mangeant régulièrement et discutant avec les personnes présentes, représentants des paroisses, clercs ou autorités locales» (34). Paroisse après paroisse, le journal de Python analysé par les soins de Rappo ouvre une fenêtre importante sur la religion populaire de l’époque. La première paroisse visitée est Ecuvilles, où Strambino fait prier trois Pater et trois Ave, avant d’aller manger chez le curé, sans oublier d’inspecter des reliques. On apprend aussi par Python que l’évêque demande «à Autigny, Ecuvillens et ailleurs [...] aux curés et aux commis de couper dans les huit jours tous les arbres sur les cimetières», car il ne convient pas «que les chrétiens mangent du fruit de la fécondité des corps morts» (41). Aux paroissiens l’évêque demande généralement si le curé «faisait son devoir, s’il vivait exemplairement: s’il administrait bien le Saint Sacrement, s’il annonçait la parole de Dieu, catéchisait». Et de même au curé «si les paroissiens fréquentaient les saints offices, services divins, le catéchisme» (46). Sur le chemin d’Autigny à Villaz-Saint-Pierre, Strambino confie à Python «qu’il ne veut pas que les curés aient leurs servantes dans la chambre où ils dorment» (47).

La paroisse de Montbovon, en Haute-Gruyère, est parmi les dernières à être visitée. Mgr de Strambino y administre la confirmation, «donne quarante jours d’indulgences à ceux qui ne danseront pas le jour de la fête de saint Grat, patron de la paroisse» (97). Mais ce qui est curieux c’est que plusieurs paroissiens s’adressent à François-Prosper Python, le priant d’intercéder auprès de l’évêque afin d’obtenir de leur curé… le droit de prononcer deux messes par jour au lieu d’une. Ce qui témoigne de la confusion qui règne dans la population quant aux compétences des autorités politiques et ecclésiastiques et leurs attributions respectives: une confusion typiquement… fribourgeoise!

Zitierweise:
Lorenzo Planzi: Rezension zu: Christian Scheidegger (Bearb.), Zwischen den konfessionellen Fronten. Schriften des Buchhändlers und Schwenckfelders Jörg Frell (um 1530−um 1596) von Chur, Chur, Desertina, 2013. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 109, 2015, S. 437-439.

Redaktion
Autor(en)
Beiträger
Zuerst veröffentlicht in
Weitere Informationen
Klassifikation
Epoche(n)
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit