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Titel
La Svizzera nella storia. Dalla preistoria al XVI secolo


Herausgeber
DECS-Divisione della Scuola
Erschienen
Bellinzona 2013: DECS-Divisione della Scuola
Anzahl Seiten
175 S.
Preis
ISBN
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
François Walter

Qu’un canton fasse l’effort de publier un manuel d’histoire est en soi déjà un événement tant la discipline a subi ces dernières années des remises en cause, souvent dommageables quant à sa place dans les programmes scolaires. Comme il s’agit en plus d’histoire de la Suisse, l’enjeu est évidemment considérable dans un contexte de multiculturalité où les identités ne cessent de se recomposer. Le nouveau matériel didactique proposé dans le canton du Tessin pour la scuola media a beaucoup de qualités mais peine à innover sur des questions essentielles. Tous acquiesceront en lisant la formule incantatoire liminaire des auteurs qui se proposent d’inscrire l’histoire de la Suisse dans un réseau relationnel large. Certes la Suisse ne s’est pas construite seule et l’ouverture au monde est constitutive de son devenir. Mais en prétendant de surcroît rompre avec le traditionnel Sonderfall helvétique, les auteurs se trompent de cible. Tout pays reste un cas articulier, la Suisse comme les autres, sinon il ne ferait pas sens d’en proposer l’histoire! Et si les Suisses n’avaient pas été convaincus d’avoir un destin exceptionnel, le pays ne serait pas non plus ce qu’il est devenu. C’est cela même qui est objet d’histoire.

Ceci dit, on peut rassurer les lecteurs inquiets des manières actuelles d’inculquer aux jeunes le sens historique. Dans ce livre, la chronologie est bien présente avec des lignes du temps pour chaque période et la mention des dates importantes. Les documents sont bien choisis, les mots difficiles ont droit à des explications étymologiques, sans omettre les concepts utiles. Structure sociale, classe sociale et hiérarchie sont ainsi déjà introduits à propos de l’âge du bronze! Ce premier volume traite de plusieurs millénaires puisqu’il va de la Préhistoire au 17e siècle. Cinq parties organisent le propos: la Préhistoire; l’époque romaine; la christianisation et le haut Moyen Âge; le Moyen Âge à son apogée; la Suisse du 13e au 16e siècle. Chacun des cinq modules joue avec 4 composantes: des paragraphes narratifs, des exercices, des textes d’approfondissement, des encadrés pour le glossaire, le tout agencé de façon à v aloriser les documents textuels et iconographiques qui ont un rôle majeur dans l’éveil d’une conscience historique. On est à l’opposé des illustrations qui servaient de simple agrément à tant de manuels anciens. Les cartes permettent de visualiser intelligemment des évolutions qui nécessiteraient de longues explications. Peut-être que les légendes sont un peu succinctes voire ambiguës comme c’est le cas de la carte des diocèses avant la Réforme. Du point de vue pédagogique, ce livre est assurément une belle réussite. De quoi faire aimer la discipline historique qui devient attrayante et passionnante.

Les grandes lignes de la préhistoire sont expliquées avec aisance en faisant appel à bon escient à l’imagination des élèves pour suppléer aux lacunes documentaires. Partout dans le livre, on valorise les sites archéologiques locaux et nationaux, ce qui est un bon moyen de rendre sensibles les jeunes au riche patrimoine du territoire suisse par ailleurs facilement accessible physiquement aussi. À cet égard le chapitre sur les Romains, axé sur la civilisation et la vie quotidienne, nous semble exemplaire. Ensuite, une attention particulière a été portée à la culture chrétienne: l’historicité de Jésus est clairement affirmée; la christianisation de l’Europe et des territoires suisses est à juste titre considérée comme un phénomène majeur de notre culture. En outre, les séquences médiévales font bien comprendre les formes artistiques, notamment en architecture. Enfin le grand chapitre, le plus long des cinq, traitant de la formation de l’Ancienne Confédération est annoncé par de belles pages sur l’ouverture de la route du Gothard et les modalités du trafic alpestre.

Ce dernier chapitre, cependant, intitulé «La Confédération suisse des origines à la Réforme» nous a déçu. Que l’histoire de la Suisse ancienne soit délicate à simplifier ne justifie pas que l’on s’en tienne à un récit convenu hypertraditionnel. L’auteur reprend la thèse abandonnée depuis longtemps du complot anti-Habsbourg tout en affirmant que les épisodes de rébellion ne sont pas attestés par l’archéologie. Comment les élèves vont-ils s’y retrouver? On sait pourtant que le Pacte de 1291, dont le texte intégral est heureusement donné à lire, a été antidaté. Certains en fixent même la rédaction en 1309! Autrement dit tout le raisonnement qui consiste à rattacher la trame des événements légendaires à ce texte, comme on l’a fait au 19e siècle, ne tient pas. Si l’auteur avait signalé que l’empereur Rodolphe est mort le 15 juillet 1291, le contexte serait déjà tout différent. Auparavant il avait reconnu les privilèges de Schwyz et son intérêt avait surtout été d’assurer la paix intérieure sans vouloir à tout prix contrôler directement les territoires au centre des Alpes. Dans la foulée, l’épisode de Morgarten est une nouvelle fois surinterprété sans que les sanctions soient suffisamment différenciées, l’impériale d’une part et celle exécutée par le duc d’Autriche (ici accessoirement Habsbourg) d’autre part. L’ensemble de la démonstration serait donc à revoir.

La suite est à l’avenant avec la reprise du point de vue traditionnel qui enfile les cantons dans l’alliance confédérale (laquelle?) comme des perles sur un collier. Le tout sur fond de guerres non contextualisées, ce qui va donner aux élèves la fâcheuse impression d’une «histoire bataille», ennuyeuse et ringarde. En passant, signalons que Nicolas de Flue n’a pas été physiquement présent à la Diète de Stans et que le «service mercenaire» – une expression malvenue pour les réalités helvétiques – n’est plus perçu aujourd’hui comme une émigration de misère.

Malheureusement aussi, la présentation des réformes religieuses du 16e siècle est biaisée. Leurs enjeux politiques sont totalement ignorés. Passons sur la confusion si fréquente entre un souci louable de laïcité et des propos qui ressemblent à des préjugés anti-catholiques. Mais il en va d’erreurs historiques graves. Contrairement à ce que les auteurs laissent entendre, l’école et l’assistance aux pauvres existaient avant la Réforme; la fidélité de la Suisse centrale à l’ancienne foi a ses raisons très politiques; et la chasse aux sorcières est conduite avec virulence dans les régions réformées et pas seulement dans les cantons catholiques. Et comment comprendre Calvin à Genève sans évoquer la situation stratégique de la ville épiscopale et les ambitions de Berne qui occupe le pays de Vaud?

Un manuel du secondaire n’est pas un traité exhaustif. C’est pourquoi les remarques précédentes n’ont pas pour objectif de déplorer des manques mais de signaler des interprétations tronquées. Ce qui est discutable, c’est de donner une nouvelle fois aux jeunes une version obsolète de l’histoire suisse. Personne ne sera donc bousculé ni ébranlé dans ses certitudes mythiques, elles-mêmes transmises depuis des générations. C’est dommage car il faudra à nouveau attendre des années pour corriger les idées préconçues. Or, pendant ce temps, la véritable histoire va continuer, elle, de se complexifier et le fossé de se creuser entre le savoir des historiens et les croyances naïves de générations d’élèves qui n’auront eu que l’enseignement secondaire.

Zitierweise:
François Walter: Recensione di: AA.VV., La Svizzera nella storia: Dalla preistoria al XVI secolo, Bellinzona, DECS-Divisione della Scuola, 2013. Zuerst erschienen in: Archivio Storico Ticinese, Vol. 154, pagine 159-161.

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Zuerst veröffentlicht in

Archivio Storico Ticinese, Vol. 154, pagine 159-161.

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