C. Humair u.a. (Hrsg.): Le tourisme suisse

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Titel
Le tourisme suisse et son rayonnement international. “Switzerland, the playground of the world”


Herausgeber
Humair, Cédric; Tissot, Laurent
Reihe
Histoire et sociétés contemporaines
Erschienen
Lausanne 2011: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
222 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Dave Lüthi

Depuis une trentaine d’années, l’histoire du tourisme en Suisse est devenue un sujet de recherche académique à part entière après avoir longtemps été considérée comme un pan secondaire, voire anecdotique, de l’histoire nationale contemporaine. Tout d’abord interrogée par les historiens de l’architecture alors que les palaces de la Belle-Époque jugés désuets étaient en danger de disparition (on peut penser au cas emblématique de Giessbach, sauvé par Franz Weber en 1983), elle est peu à peu devenue l’apanage des spécialistes du voyage, des études culturelles et, plus récemment, de l’économie. La Revue historique vaudoise s’est d’ailleurs fait l’écho de cette évolution de la recherche dans sa parution de 2006, devenue un «classique» dès sa sortie (voir Histoire du tourisme en pays vaudois, RHV, 114, 2006, pp. 9-286). Il est vrai que, comme le rappelle à bon escient Laurent Tissot en ouverture de l’ouvrage présenté ici, «le tourisme est une pratique sociale de première importance qui concerne chacun d’entre nous et qui, au tournant du troisième millénaire, nourrissait le secteur économique le plus important à l’échelle mondiale, hormis l’agriculture, avec 10,6% du produit mondial brut et un emploi sur dix» (p. 5). Déconstruire les structures et les pratiques financières et techniques mais aussi publicitaires de ce pan essentiel de l’économie s’est révélé un terrain particulièrement fertile, tout particulièrement grâce aux études menées par les deux directeurs de cette publication et leur équipe de recherche dans le cadre d’un projet du Fonds national suisse de la recherche scientifique «Système touristique et culture technique dans l’Arc lémanique: acteurs, réseaux sociaux et synergies (1852-1914)», dont ce recueil d’articles est le premier résultat livré au public.

Les huit contributions des chercheurs, encadrées par celles des directeurs de publication, sont réparties dans trois champs thématiques distincts, traitant tour à tour de l’imaginaire touristique de la Suisse, de l’usage des nouvelles technologies et du développement du tourisme suisse à l’échelle internationale. On le devine, les sujets abordés sont très variés, allant de la promotion radiodiffusée du tourisme suisse à la politique d’investissement des Genevois dans le thermalisme à Évian… En soi, ces études présentent chacune beaucoup d’intérêt et si les liens entre elles ne sont pas toujours évidents, elles ont le mérite soit de renouveler des approches un peu datées et souvent empiriques, soit de lever le voile sur des thématiques restées dans l’ombre – de l’implantation des rayons X à la promotion du tourisme suisse à l’étranger. Fondées sur des données micro-historiques, elles parviennent souvent à éclairer des questionnements plus larges de l’histoire économique et/ou touristique suisse, en se reposant sur une étude approfondie des sources et de la bibliographie à disposition. À nos yeux, ces articles sont toutefois desservis par un titre bien énigmatique. La dynamique d’aller et retour entre la Suisse et l’étranger qu’il semble invoquer (la Suisse comme «place de jeu» du monde) ne correspond guère au contenu, plutôt centré sur l’arc lémanique et ses environs immédiats – la partie internationale se résumant essentiellement à Évian, au Salève et à l’agence CFF à Paris –; elle provoque chez le lecteur une attente qui sera déçue. C’est bien dommage car la qualité des contributions mérite mieux que cette frustration engendrée par un titre trop programmatique. L’image de couverture n’aide d’ailleurs pas à relier ce titre aux articles, skieurs et chemin de fer alpin fonctionnant davantage comme une illustration du mythe déconstruit par les auteurs que comme un emblème du contenu.

S’il semble inutile de résumer ici les différentes contributions au vu de leur diversité, il est peut-être en revanche plus pertinent de mettre en évidence les apports qui intéresseront le plus les lecteurs vaudois. Sans aucun doute, la longue introduction de Cédric Humair, «Le tourisme comme moteur du développement socioéconomique et vecteur du rayonnement international de la Suisse (XIXe-XXe siècles)» (pp. 9-54) est la partie qui correspond le mieux au titre de l’ouvrage. Faisant un point à la fois méthodologique et historiographique sur les questions fondamentales du domaine – naissance du tourisme, périodisation, construction du mythe helvétique, importance de la technologie, réseaux et acteurs (où l’on retrouve des Vaudois: Ami Chessex et Alexandre Émery) – elle apporte un point de vue global et unifié sur nombre de ces questions, qui feront de ce texte une lecture obligée. Passant de ce panorama «macro» à des points de vue plus micro-historiques, plusieurs auteurs éclairent des pans tout à fait inédits du développement régional du tourisme et de ses infras
truc tures. Mathieu Narindal raconte ainsi le destin mitigé des casinos lémaniques, empêchés par la loi fédérale de 1874 de pratiquer les jeux les plus rentables, également jugés «dangereux» par des comités de censure morale qui cherchent à les faire interdire pour le bien de la réputation du pays. Julie Lapointe Guigoz met quant à elle en évidence l’apparition tout à fait précoce de l’ascenseur hydraulique dans les hôtels lémaniques, qui, perçu d’abord comme un objet dangereux – quelques accidents ont alors frappé les mémoires –, devient une sirène technologique de grand intérêt pour les hôteliers qui usent d’ailleurs avec habileté des ressources naturelles locales (cours d’eau) pour son fonctionnement. Stefano Fulmoni continue dans cette voie technologique en analysant comment l’électrification de l’éclairage des bateaux de la Compagnie générale de navigation répondait mieux aux besoins et aux finances que celle du passage au diesel, auquel on renoncera. Enfin, Florian Kissling démontre comment l’introduction des rayons X dans les cliniques et les sanatoriums vaudois joue un rôle publicitaire majeur, à l’instar des ascenseurs pour les hôtels.

Témoignant du renouvellement en cours dans le cadre de la recherche sur le tourisme, ce recueil laisse présager d’autres études de grand intérêt produites dans le cadre du programme de recherche cité. On ne peut que se réjouir des bases solides que ces contributions apportent pour comprendre mieux ce domaine de l’histoire régionale et nationale, et souhaiter que des projets futurs, interdisciplinaires cette fois, étendent encore le champ des réflexions.

Citation:
Dave Lüthi: Compte rendu de: Cédric HUMAIR et Laurent TISSOT (dir.), avec la collaboration de Julie LAPOINTE GUIGOZ, Le tourisme suisse et son rayonnement international (XIXe-XXe siècles). «Switzerland, the Playground of the World», Lausanne: Antipodes (coll. Histoire et sociétés contemporaines), 2011. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 120, 2012, p. 427-428.

Redaktion
Veröffentlicht am
05.12.2013
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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