P. Boschetti: Les Suisses et les nazis. Le rapport Bergier pour tous

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Titel
Les Suisses et les nazis. Le rapport Bergier pour tous


Autor(en)
Boschetti, Pietro
Erschienen
Genève 2004: Editions Zoé
Anzahl Seiten
189 S.
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François Wisard

«Le rapport Bergier pour tous»: le sous-titre de l’ouvrage de Pietro Boschetti suscite deux séries de questions. D’abord, que faut-il entendre par «rapport Bergier »? Ensuite, pourquoi et avec quel succès une ambition de vulgariser ce rapport?

La première question n’a rien d’anodin. En effet, la Commission indépendante d’experts Suisse – Seconde Guerre mondiale (CIE), présidée par le professeur Jean-François Bergier, a publié avec régularité une série impressionnante de rapports de façon à remplir le mandat du parlement et du gouvernement: un rapport intermédiaire sur les transactions sur l’or en 1998, un rapport sur les réfugiés en 1999 (avec une cinquième annexe en 2000, consacrée aux gens du voyage), enfin, un rapport final rendu public en trois tranches en 2001 et 2002 et composé de 25 volumes d’études et d’un volume de synthèse. Les 25 volumes d’études, qui comprennent les versions définitives des rapports publiés de 1998 à 2000, ont été rédigés par les collaborateurs scientifiques de la CIE ou sur mandat externe. Le volume de synthèse de près de 600 pages La Suisse, le national-socialisme et la Seconde Guerre mondiale a été réalisé par les experts eux-mêmes et publié en quatre langues. L’ensemble du rapport final couvre plus de 11 000 pages.

Au vu de ce programme de publications, Pietro Boschetti pouvait envisager deux options. La première consiste à assimiler le «rapport Bergier» au volume de synthèse. Cette option a été retenue par le Forum politique de la Confédération qui a ouvert en mars 2002 une exposition intitulée précisément «Le rapport Bergier ». Cette exposition, devenue itinérante, consiste en une série de citations extraites du volume de synthèse. La seconde option considère que le «rapport Bergier » est constitué de l’ensemble du rapport final. Cette option a été choisie par le Conseil fédéral, en particulier dans sa déclaration du 22 mars 2002 (il y commente des résultats absents du volume de synthèse). C’est également l’option retenue par Pietro Boschetti et par son préfacier Jean-François Bergier. «Ce livre est un trait d’union. Le trait d’union qui manquait entre le grand public et les 11 000 pages des travaux de la commission Bergier», indique la quatrième de couverture. Outre le fait qu’il ambitionne de vulgariser les résultats de l’ensemble des travaux de la CIE, et non uniquement de la synthèse déjà réalisée par les experts en 2002, le choix de Pietro Boschetti doit être salué pour une deuxième raison. En effet, il rend justice aux dizaines de chercheurs qui ont travaillé pour la CIE et présenté leurs travaux dans les 25 volumes d’études. Une justice tardive certes, mais une justice méritée quand on aura rappelé que la CIE, après avoir annoncé en 2001 que son rapport final se composerait des volumes d’études et du volume de synthèse, a publié ce dernier sous le titre «rapport final» – reléguant du coup les contributions des collaborateurs hors du «rapport final» que le Conseil fédéral lui avait commandé le 19 décembre 1996 en dressant simultanément la liste d’une vingtaine de thèmes à examiner.

Pourquoi vulgariser les résultats des travaux de la CIE? Les démarches antérieures n’ont pas manqué. La CIE a publié en 1998 une brochure résumant son rapport intermédiaire sur l’or à la demande de l’administration fédérale, puis son volume de synthèse; ce dernier contient un chapitre conclusif qui résume encore la synthèse. De plus, chacune des 25 études a fait l’objet d’un résumé traduit en quatre langues et disponible en ligne (www.uek.ch). Il n’en reste pas moins qu’entre résultats intermédiaires et résultats définitifs, entre résumés des études et synthèse de 600 pages, le lecteur ne savait sans doute plus très bien où donner de la tête. A cela s’ajoutait le cumul de deux effets de la couverture médiatique: forte en 1998–1999, elle a diminué à mesure que la CIE se rapprochait de la publication de ses résultats consolidés; les médias tendent à focaliser leur attention sur des passages ou des aspects accrocheurs pour le public mais dont l’importance scientifique demeure
souvent secondaire.

Dans ces circonstances, il convient de saluer l’initiative du recteur de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, Konrad Osterwalder: charger un historien alémanique et un historien romand possédant une expérience de journaliste de vulga - riser les résultats de la CIE. Grâce au livre de Pietro Boschetti, historien de formation et journaliste à la TSR, le lecteur francophone dispose donc d’un ouvrage de vulgarisation. Il faut s’en féliciter. Qui dit ambition de vulgarisation dit bien sûr choix rédactionnels et problèmes posés par ces choix. Le premier choix est celui de la longueur du texte. Avec 165 pages, auxquelles s’ajoutent utilement une chronologie et des notices biographiques, Pietro Boschetti a évité à la fois la brièveté déformante et la longueur susceptible de dissuader le lecteur. Le deuxième choix est celui du style. L’ouvrage se lit très facilement tout en conservant une approche et un vocabulaire scientifiques. Sur ce terrain difficile, le pari a été gagné. Troisième choix: l’appareil critique. Il a été abandonné, ce qui allège la lecture mais soulève aussi le problème de la paternité des résultats. En l’absence de références (sauf pour les tableaux et les graphiques) et de bibliographie, il s’avère plus difficile de déterminer si les résultats présentés sont issus des travaux de la CIE ou de travaux d’autres chercheurs. Le choix le plus crucial est celui des thèmes à retenir et de l’importance à réser - ver à leur traitement. Pietro Boschetti précise que son ouvrage ne constitue pas un résumé et que tant le choix des thèmes que leur pondération relèvent de sa seule responsabilité (p. 24). L’ancien président de la CIE juge ces choix «raisonnables» (p. 8). Dans un corpus si vaste (11 000 pages) un choix de thèmes et leur pondération s’exposent, quels qu’ils soient, à des critiques. Il serait ici injuste et déplacé de s’aventurer trop loin sur ce terrain. Et cela d’autant plus que les travaux de la CIE dans leur ensemble n’ont été que trop rapidement et facilement discrédités au motif qu’ils ne tiendraient aucun compte du contexte de l’époque ou qu’ils ne laisseraient pas la parole aux témoins. Jean-François Bergier et Pietro Boschetti font d’utiles mises au point sur ces deux reproches (pp. 8–9 et 23–24). Qu’on nous permette de déplorer quand même le silence sur l’affaire Interhandel, qui a largement occupé l’administration fédérale depuis la guerre et sur laquelle les rumeurs les plus folles ont circulé 1 jusqu’à l’étude aussi novatrice que remarquable de Mario König (volume 2 des études de la CIE). De plus, l’ouvrage de Boschetti accorde aux informations tirées d’archives publiques (en particulier aux chapitres 1, 3, 4 et 6) une importance notablement plus grande que les 25 volumes d’études, lar gement basés sur des archives privées. Dès lors, le lecteur pourrait sous-estimer le caractère novateur des travaux de la CIE.

Pietro Boschetti a divisé son ouvrage en huit parties. L’introduction brosse les origines de la CIE, son mandat, le passage de la fébrilité à l’indifférence qui a marqué le contexte de ses travaux, sa méthodologie et l’originalité de ses résultats. La conclusion insiste d’une part sur le caractère pragmatique de la politique à l’égard des réfugiés, qui suit une «ligne de fermeture» renforcée par l’angoisse de l’Überfremdung et de l’après-guerre (pp. 157–159), et des relations économiques et financières, dictées par la bonne marche des affaires (busines as usual). D’autre part, elle met l’accent sur la vacance du pouvoir politique, observée «essentiellement dans les questions économiques» (p. 164). Introduction et conclusion encadrent six chapitres thématiques, que nous examinerons plus en détail.

Le premier chapitre, qui couvre près de 40 pages, porte sur les réfugiés. Au thème dont le traitement par la CIE a fait couler le plus d’encre correspond le chapitre le plus long. La CIE avait été critiquée pour ne pas avoir suffisamment pris en compte la politique d’asile pratiquée par d’autres pays. Boschetti consacre une section à la Conférence d’Evian de 1938, une autre à comparer la Suisse et les autres pays. Le volume de synthèse avait maintenu, tout en la reformulant, une phrase devenue fameuse du rapport de 1999 sur les réfugiés: «En créant des obstacles supplémentaires à la frontière, les autorités suisses ont contribué – intentionnellement ou non – à ce que le régime national-socialiste atteigne ses objectifs.» Boschetti ne reprend pas cette phrase. Replacée dans le temps long de la «guerre de 30 ans», la politique à l’égard des réfugiés fuyant le nazisme gagne en cohérence et en continuité par rapport à ses présentations de 1999 et de 2002: «Cette politique de fermeture est en cohérence avec la lutte contre ‘la surpopulation étrangère et ‘l’enjuivement que la Suisse mène depuis l’entre-deux-guerres. Simplement, elle se radicalise» (p. 62; voir aussi p. 155). La CIE, Boschetti le montre bien, s’est démarquée doublement des études antérieures: elle adopte la perspective des victimes et non plus celle des autorités; la responsabilité de la politique d’asile ne se trouve ni réduite à Heinrich Rothmund comme chez Carl Ludwig ni étendue à l’ensemble d’une génération comme chez Edgar Bonjour («C’est toute une génération qui a failli, qui porte une part de responsabilité»). Le Commandement de l’armée porte une part importante de responsabilité, qui doit toutefois faire l’objet de recherches supplémentaires (p. 62).

Le chapitre 2 sur les relations économiques et la place financière tente une synthèse difficile de plusieurs études, principalement de celles consacrées au clearing (volume 3), à la politique économique extérieure (volume 11), à la place finan - cière (volume 13) et aux transactions de papiers valeurs (volume 14). Boschetti présente à la fois un tableau d’ensemble – cadre bienvenu parce que les recherches doivent être approfondies sur de nombreuses questions – et des opérations particulières, comme la vente de baraques en bois à la Wehrmacht et aux SS qui impliquait aussi bien le fils du général Guisan que la SBS et l’UBS (pp. 83–84). Quant aux motivations, «tout se passe comme si la bonne marche des affaires avait prévalu sur toute autre considération» (p. 86).

Des motivations purement commerciales ont également dicté l’attitude des CFF face au transit ferroviaire – objet du chapitre 3. Les autorités politiques ont été largement absentes de ce dossier, négligeant en particulier un contrôle sérieux et systématique pour empêcher tout transit clandestin d’armes et de munition. Boschetti reprend deux résultats importants des recherches de la CIE: aucun train de déportés n’a traversé la Suisse – résultat absent du volume de synthèse – et aucun travailleur forcé italien n’a transité par la Suisse (pp. 90–91).

Le chapitre sur les transactions sur l’or se limite à la Banque nationale suisse (BNS) dont le rôle était central aussi bien en Suisse, surtout à partir de 1942, que pour la Reichsbank (chapitre 4). Cette dernière avait ouvert un dépôt auprès de la BNS, comme plusieurs autres banques centrales. Durant la guerre, elle y a versé de l’or d’une valeur de 1,7 milliard de francs, dont la BNS acquit ensuite deux bons tiers (1,2 milliard). C’est également sur ce dépôt de la Reichsbank que furent livrés les 3 lingots «Melmer» (120 kg), mais la destination ultérieure de ces lingots (acqui - sition par la BNS, par d’autres banques centrales ou par la Banque des règlements internationaux) reste à ce jour incertaine. Malheureusement, Pietro Boschetti n’opère pas toujours la distinction indispensable entre le dépôt de la Reichsbank auprès de la BNS et la BNS elle-même. Ce qui entraîne, sur des points importants, des formulations approximatives («Au total, ce sont plus de 1,7 milliard de francs d’or que la Reichsbank a remis à la BNS», p. 106) ou des certitudes là où le doute subsiste («Au total, la Reichsbank a vendu à la Suisse un peu moins de 120 kilos d’or ‘Melmer’ [...]. Cela constitue le lien le plus direct entre le système bancaire suisse et le génocide nazi», p. 116). C’est dommage, car ce chapitre dit l’essentiel et diagnostique, comme pour le transit ferroviaire, la primauté des considérations commerciales sur les considérations morales, ainsi que l’absence du pouvoir politique dans les décisions primordiales.

Le chapitre suivant nous emmène, pour la première et dernière fois, véritablement hors de Suisse. Il examine l’attitude des filiales allemandes d’entreprises suisses face au nazisme et la question du travail forcé. A nouveau, un terrain large - ment inexploré, même si la CIE a pu s’appuyer sur certains travaux, dont l’article «Du potage pour la Wehrmacht» (1996) de Sophie Pavillon qui a manifestement inspiré le titre d’une section (pp. 129–131). Ici à nouveau, Boschetti combine avec succès vue d’ensemble et présentation de cas particuliers, destinés soit à montrer des comportements contraires (ainsi de Sandoz et Hoffmann-La Roche face à leurs employés juifs, pp. 124–125) ou à illustrer des tendances générales. Il dégage les tendances suivantes: les filiales s’adaptent aux mesures du régime nazi (certificats d’aryanité, aryanisation de biens juifs), les maisons mères sont bien mieux informées de la situation dans le Reich qu’elles ne le feront croire après la guerre, les filiales «ont contribué d’une manière ou d’une autre à l’effort de guerre allemand» (p. 129), elles ont employé au minimum 11 000 travailleurs forcés mais peu d’entre elles ont profité des détenus des camps de concentration.

Une vingtaine de commissions d’historiens ont été mises sur pied à l’étranger. «Nombreuses – estime Pietro Boschetti dans son introduction – furent celles qui se sont inspirées du modèle de la CIE, même si leur mandat était moins vaste; il portait avant tout sur la question des spoliations et des restitutions» (p. 15). C’est à cette question précisément que sont consacrées les 15 pages du dernier chapitre. Celuici examine à la fois les biens en déshérence, déposés par les victimes, et les biens spoliés aux victimes et qui ont abouti en Suisse. Toutefois, il entretient parfois la confusion entre ces deux catégories de biens (au bas de la page 138 par exemple). Boschetti indique et retrace les étapes essentielles. Pour les biens en déshérence: l’engagement de l’Accord de Washington, l’abandon d’un projet d’arrêté du Département politique fédéral sur pression des milieux bancaires, la «difficile naissance de l’arrêté de 1962» (pp. 144sq.), les lacunes de ce dispositif et les travaux ultérieurs du Comité Volcker. Pour les biens spoliés: les avertissements des Alliés, l’Accord Currie de février 1945, l’arrêté du Conseil fédéral sur les biens spoliés du 10 décembre 1945 (pourquoi ne figure-t-il pas dans la chronologie annexe?), les décisions du Tribunal fédéral à propos des oeuvres d’art et des papiers valeurs spoliés.

Sur la question des biens spoliés et de leur restitution, l’ouvrage est à la fois trop rapide et procède à quelques généralisations abusives. La Suisse aurait été une «plaque tournante dans le commerce des oeuvres d’art» (p. 87 et p. 141). Mais aucune estimation n’est fournie sur ce commerce, aucune indication n’est donnée sur les oeuvres d’art restituées sur décisions du Tribunal fédéral. Or malgré toutes ses recherches, la CIE n’a pas retrouvé trace d’oeuvre d’art qui aurait dû être resti - tuée en application de l’arrêté de 1945. Sur les 70 oeuvres restituées sur décisions du Tribunal fédéral, 40 appartenaient au Parisien Paul Rosenberg, ce qui représentait un dixième des tableaux qui lui avaient été dérobés. Dans l’ensemble, les recherches de la CIE confirment donc plus qu’elles n’infirment le diagnostic de Lynn Nicholas dans son ouvrage de référence sur le pillage des oeuvres d’art en Europe2, à savoir que la Suisse a joué un rôle secondaire et non pas un rôle de plaque tournante.

Des réserves similaires sont à formuler à propos des avoirs allemands. Nous ne pouvons suivre Pietro Boschetti lorsqu’il écrit que ces avoirs étaient, avec l’or pillé, l’un des deux objets de l’Accord de Washington (p. 141), que «les avoirs allemands en Suisse ont été soustraits aux actions en réparation» (p. 143) et que «la plupart des autres pays se sont inclinés devant la saisie des avoirs allemands à l’étranger, sauf la Suisse et la Suède» (p. 144). En effet, l’Accord de Washington portait également sur les avoirs suisses bloqués aux Etats-Unis et sur les listes noires, donc sur quatre objets et non sur deux. Si, effectivement, aucune distinction entre victimes et bourreaux n’a été établie lors de la liquidation des avoirs allemands, 121 millions de francs réalisés sur cette liquidation furent versés aux Alliés. Enfin, les deux rapports publiés en 1997 et 1998 sous la direction de l’Américain Stuart Eizenstat ont jugé que dans tous les Etats où les avoirs allemands avaient été bloqués (Espagne, Portugal, Suède, Suisse et Turquie) leur liquidation n’avait de loin pas répondu aux attentes des Américains.

Si les questions de restitution et de liquidation des avoirs allemands auraient mérité un traitement plus nuancé, c’est moins à Pietro Boschetti qu’à la CIE qu’il convient à notre sens d’adresser cette critique. En effet, s’il est deux questions sur lesquelles la lecture des 25 volumes d’études nous a laissé sur notre faim, c’est bien celle des restitutions d’après-guerre et celle, liée, de la liquidation des avoirs allemands. La CIE les a certes abordées, en particulier dans les volumes 1 et 9, mais elle ne les a guère examinées dans une perspective d’ensemble et qui tienne compte des mesures prises à l’étranger. Le caractère incomplet des recherches menées par la CIE sur les mesures de l’après-guerre ne l’a toutefois pas dissuadée d’adopter des conclusions tranchées. Dans son volume de synthèse, elle juge que les restitutions matérielles de la Suisse ont été «très incomplètes» (p. 411).

Le débat sur les résultats des travaux de la CIE s’est focalisé sur la période de la Seconde Guerre mondiale. Très souvent, ces résultats ont été jugés trop critiques. Or une des caractéristiques de l’ouvrage de vulgarisation signé par Pietro Boschetti est un ton sensiblement moins critique que certains rapports de la CIE. Sur les réfugiés par exemple, il conclut que «la Suisse n’a pas vraiment fait honneur à sa tradition humanitaire» (p. 159). Carl Ludwig et même Edgar Bonjour ont eu des mots plus durs que cet euphémisme. A l’inverse, la politique de l’après-guerre fait l’objet, de la part de la CIE mais aussi de Boschetti, d’une appréciation très critique, alors même que beaucoup de recherches restent à mener avant un jugement d’ensemble – dont il n’est de loin pas acquis qu’il sera aussi noir que celui de la CIE et de Boschetti.

Au-delà de ces quelques critiques, l’essentiel reste que le pari de rédiger un ouvrage de vulgarisation du «rapport Bergier» a été relevé avec panache par Pietro Boschetti. Il s’agit d’un ouvrage dense mais jamais rébarbatif et qui fait d’utiles mises au point sur les accusations déplacées lancées contre la Suisse mais aussi contre la CIE. De plus, la tonalité dominante de l’ouvrage reste la sérénité, ce qui – souhaitons-le – pourra améliorer le débat autour des résultats de la CIE. Exprimons deux autres souhaits à propos des lacunes. Que les lacunes inévitables issues de la sélection thématique invitent à lire les études que Pietro Boschetti n’a pu exploiter. Et que les lacunes liées aux travaux de la CIE (mesures d’après-guerre) stimulent la poursuite des recherches.

1 Entre autres, «Les historiens soupçonnent […] qu’Interhandel a fait partie jusqu’au dernier moment du patrimoine de l’ennemi nazi. C’est ce que confirme [le rapport Rees]». Jean Ziegler, La Suisse, l’or et les morts, Seuil, 1997, p. 119. Mario König aboutit à une conclusion inverse après avoir exploité le rapport Rees dont l’interdiction de consultation avait été levée pour la CIE. Ce rapport est librement accessible depuis 2002 (en ligne: www.dodis.ch, doc. N° 9266).

2 Lynn H. Nicholas, Le pillage de l’Europe. Les oeuvres d’art volées par les nazis, Seuil, 1995 (traduit de l’anglais).

[3] La Commission française, présidée par Jean Mattéoli, a effectué des recherches remarquables sur les mesures de restitutions. Voir en particulier: Mission d’études sur la spoliation des Juifs de France, Rapport général, La Documentation française, 2000, pp. 107–170. Recherches que l’historien Henry Rousso résume ainsi: «La véritable nouveauté [du rapport Mattéoli] c’est l’ampleur des restitutions» (Le Monde, 19 avril 2000).

Zitierweise:
François Wisard: Rezension zu: Pietro Boschetti: Les Suisses et les nazis. Le rapport Bergier pour tous. Préface de Jean-François Bergier. Genève, Editions Zoé, 2004. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Vol. 55 Nr. 2, 2005, S. 236-241.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, Vol. 55 Nr. 2, 2005, S. 236-241.

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