H. Dubois: Charles le Téméraire

Cover
Titel
Charles le Téméraire.


Autor(en)
Dubois, Henri
Erschienen
Paris 2004: Libraire Arthème Fayard
Anzahl Seiten
544 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Rémy Scheurer

Même pour notre histoire régionale, Charles le Téméraire est un personnage de grand intérêt car au XVe siècle, les comtes de Neuchâtel avaient de nombreuses possessions dans les territoires soumis au duc de Bourgogne et, de plus, ils occupèrent de hautes fonctions à son service: Jean de Fribourg en qualité de maréchal de Bourgogne 1) et Rodolphe de Hochberg comme gouverneur de Luxembourg. Ce dernier étant aussi l’allié de Berne, sa situation devint de plus en plus difficile à mesure que se détérioraient les relations entre Charles le Téméraire et les Suisses. Quant à son fils Philippe, baptisé du prénom de son parrain le duc Philippe le Bon, il abandonna la cause du téméraire pour celle de Louis XI et fut institué par lui maréchal de Bourgogne sitôt après le rattachement du duché à la couronne de France 2).

Le livre d’Henri Dubois est véritablement une biographie car le principal de l’attention porte sur l’homme au destin exceptionnel et tragique que fut Charles le Téméraire. Ce faisant, l’auteur a évité la facilité, mais aussi le piège, d’écrire l’histoire d’une époque en se contentant de tisser dans une trame toute faite quelques fils d’une vie. L’explication du rôle personnel de Charles dans le gouvernement et dans l’administration des territoires dépendant de lui, la manière de montrer la tentative de se faire reconnaître un royaume nouveau sur les marches de l’Empire et de parvenir à la couronne impériale sont particulièrement bien analysées.

L’ouvrage commence par un avant-propos qui en une dizaine de pages dégage avec force et clarté les traits fondamentaux de l’Europe occidentale au milieu du XVe siècle. Très remarquables aussi sont les chapitres qui décrivent l’action de Charles le Téméraire dans l’organisation de sa maison, des finances et de l’armée, comme toutes les pages sur les liens personnels entre le duc et des individus, des familles ou des communautés car le pouvoir du prince repose alors pour beaucoup encore sur la fidélité des personnes et sur la fiabilité des réseaux. Pour réussir à expliquer cela simplement, il faut une longue pratique et une grande maîtrise du métier d’historien.

En plaçant au centre de la compréhension de Charles le Téméraire sa volonté de parvenir à un titre royal et de s’ouvrir la voie vers le couronnement impérial, Henri Dubois donne un autre sens à la rivalité entre Charles le Téméraire et Louis XI. Sous l’influence des Mémoires de Philippe de Commynes, la lutte entre le roi dompteur des grands féodaux et le vassal rebelle a pris souvent un tel relief que la perspective en a été faussée. C’est encore l’intérêt de cette biographie de mettre l’accent sur les intentions de Charles à l’égard de l’Empire et de sortir d’une perspective trop française.

La postface et la conclusion sont, chacune à sa manière, de limpides synthèses: la postface, de l’action du duc comme homme d’Etat; la conclusion, des raisons objectives de l’échec du grand dessein politique qui a conduit Charles à perdre la claire conscience des réalités et, finalement, à ne plus entendre ses meilleurs conseillers et à avoir l’esprit envahi par un phantasme. Au-delà des enjeux, n’y a-t-il pas une étrange relation entre le «vœu du Paon» de Philippe le Bon et le rêve de rétablir le monde idéal de la chevalerie et le grand dessein de Charles le Téméraire, qui est lui aussi, mais dramatiquement, en décalage avec son temps? Homme de courage et de guerre avant tout, Charles le Téméraire a été attentif à l’organisation de sa maison, de ses finances et de son armée. Mais il était également un homme de goût, sensible aux arts. C’est avec plaisir que nous aurions lu davantage à ce sujet; et c’est avec intérêt que nous aurions trouvé un chapitre sur la figure du Téméraire dans l’historiographie et sur les diverses appréciations de sa témérité.

Tel qu’il est, le livre d’Henri Dubois est excellent par la qualité de l’information, la prudence dans le jugement et la clarté de l’expression. En un temps où le genre biographique – passant pour surannée il y a un demi-siècle – garantit un succès de librairie même à des livres superficiels, il est bon de lire ce Charles le Téméraire.

1) Bertrand SCHNERB, «L’honneur de la maréchaussée», dans Maréchalat et maréchaux de Bourgogne, des origines à la fin du XVe siècle, Brepols, Turnhout, 2000, 268 p.

2) Cette période a été principalement étudiée du point de vue neuchâtelois par Eddy BAUER, Négociation et campagne de Rodolphe de Hochberg (1427?-1487), Neuchâtel, 1928, 183 p.; par André BOVET, Philippe de Hochberg, maréchal de Bourgogne, gouverneur et grand sénéchal de Provence (1454-1503), thèse de l’Ecole des chartes soutenue en 1918 dont le texte est déposé aux Archives de l’Etat de Neuchâtel. Le travail d’André BOVET a été largement utilisé, pour ne pas dire pillé, par Mikhaël HARSGOR, Recherches sur le personnel du conseil du Roi sous Charles VIII et Louis XII, Lille-Paris, 1980, 4 vol.; enfin par Gisèle REUTTER, Le rôle joué par le comte de Neuchâtel dans la politique suisse et dans la politique française à la fin du XVe et au début du XVIe siècle, Histoire diplomatique et militaire, Genève, 1942.

Citation:
Rémy Scheurer: Compte rendu de: Henri Dubois, Charles le Téméraire, Paris, Fayard, 2004, 544 p. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, année 141-3, 2004, p. 191-193.

Redaktion
Veröffentlicht am
09.11.2010
Autor(en)
Beiträger
Redaktionell betreut durch
Kooperation
Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
Weitere Informationen
Klassifikation
Epoche(n)
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit