S. Piacentin: Financial penalties in the Roman Republic

Cover
Titel
Financial penalties in the Roman Republic. A study of confiscations of individual property, public sales, and fines (509–58 BC)


Autor(en)
Piacentin, Sofia
Reihe
Mnemosyne Supplements
Erschienen
Anzahl Seiten
234 S.
Preis
€ 105,93
Rezensiert für H-Soz-Kult von
Yann Rivière, History, École des hautes études en sciences sociales Paris

L'ouvrage poursuit le projet d'étudier les confiscations et les amendes pénales survenues au cours des siècles de la République, depuis l'expulsion des Tarquins jusqu'à la date précise du discours de Cicéron, le De domo sua, prononcé devant les pontifes le 30 septembre 57 av. J.-C. (et non pas en 58 !; p. 4). Si la première date constitue assurément une borne pertinente, au regard de la thématique étudiée, puisqu'elle marque tout à la fois l'avènement de la République et la confiscation des biens des rois qui suivit, la seconde paraît moins justifiée. Pourquoi en effet s'arrêter soudain au cas du retour d'exil de Cicéron ? Pour une raison issue des sources et que l'on comprend aisément (le cas est particulièrement célèbre et assez bien documenté), mais quelle est sa pertinence historique ? Il n'y a pas lieu de considérer que cet exemple constitue l'illustration d'un tournant ou d'un changement d'époque. Un tel choix écarte par exemple le sort de Milon consécutif à l'assassinat de Clodius (janvier 52 av. J.-C.) et tout le dossier de la sectio bonorum qui s'articule au bannissement, ou encore il exclue le vaste corpus des proscriptions triumvirales qui ne sont envisagées que ponctuellement.

Ce travail se démarque d'emblée (et à juste titre) du présupposé représenté notamment par le livre de F. Salerno en 1990, selon lequel il existe une évolution linéaire allant de la consecratio bonorum des origines jusqu'à la forme publique de la publicatio bonorum. En réalité, religion et politique se côtoient sans cesse tout au long de la période envisagée. Sans négliger, bien sûr, les aspects institutionnels et procéduraux, l'enquête vise de manière salutaire, à évaluer, voire à "quantifier" le phénomène étudié, à savoir la part des revenus des pouvoirs publics issus des saisies et des amendes. Ce dossier de technique procédurale pourrait alors prendre l'ampleur d'une enquête d'histoire sociale. Cependant, la réalisation d'une telle quantification, constituée en objectif dès l'introduction, se heurte évidemment à bien des obstacles liés aux énormes lacunes de la documentation, comme on pouvait s'y attendre et comme on le découvre au fil des chapitres... La part des saisies et des amendes dans le budget de l'État aux différentes époques considérées et leur impact politique, social et économique (p. 6) demeurent difficilement saisissables. Par souci de méthode et afin de donner un cadre à l'enquête (il s'agit de la publication d'une thèse de doctorat, qui ne peut prétendre à un trop large élargissement de la perspective), d'autres types de confiscations telles que les expropriations suscitées par des litiges privés, les distributions de terres à des vétérans à l'occasion de la fondation de colonies, ou les ventes privées issues de l'insolvabilité des débiteurs sont exclus (p. 4). Cette sélection est en revanche tout à fait légitime, car la présente étude ne pouvait pas envisager une matière aussi vaste.

L'autrice ne manque pas de souligner très justement, dès l'introduction et à de nombreuses reprises, la difficulté de reconstituer une histoire linéaire des confiscations depuis la période la plus ancienne, les Ve et IVe siècles, dans la mesure où les sources littéraires qui les rapportent datent de la fin de la République et de l'époque impériale. Les événements retracés pour les deux siècles en question par des auteurs comme Tite-Live ou Denys d'Halicarnasse, constituent parfois une simple "rétroprojection" des conflits surgis aux époques gracquienne et syllanienne. Cependant, en dépit de la reconnaissance de ce principe de méthode, on pourrait parfois regretter que toutes les précautions ne soient pas prises pour en tirer les conséquences. Prenons deux exemples. Le premier est relatif à la condamnation de Spurius Maelius en 439 av. J.-C. On ne peut pas considérer (p. 25) que la version des faits selon laquelle son assassinat a été perpétré par Servilius Ahala, alors que celui-ci était le maître de la cavalerie de Cincinnatus (prétendument désigné dictateur pour la seconde occasion, après sa première intervention en 458 av. J.-C. dans une guerre contre les Èques), est la première et donc la plus authentique ! En effet, comme l'indique Denys d'Halicarnasse, l'hypothèse selon laquelle Ahala aurait été un simple particulier mandaté par le sénat remonte à des auteurs plus anciens qu'il nomme (L. Cincius Alimentus et L. Calpurnius Piso) ! Quant au récit de la confiscation des biens de Manlius Capitolinus (p. 28), on ne peut pas dire que cette séquence est simplement le reflet de la procédure de confiscation du IIe siècle de l'Empire, puisque Dion Cassius (7, 26, 1) indique précisément que la destruction de la maison du coupable qu'il relate dans ce cas n'intervenait plus à son époque ! Enfin, au terme de l'analyse portant notamment sur les "aspirants à la tyrannie" on voudrait mieux comprendre à la lumière de la documentation la distinction établie par l'autrice entre la consecratio bonorum reconnue dans certains cas, et la publicatio bonorum, attestée dans d'autres cas. Par ailleurs pourquoi dans certains situations la destruction de la domus conduit-elle à l'élévation d'un temple (et à l'effacement consécutif de la mémoire), pourquoi dans d'autres cas - qu'il s'agisse d'un espace laissé libre (l'Aequimaelium) ou d'un espace ouvert à une activité marchande (le Macellum), puis monumentalisé -, le toponyme conserve le nom du coupable ? Enfin, les conditions séditieuses dans lesquelles la destruction de la maison de Cicéron est intervenue peuvent-elles être mises sur le même plan que l'accomplissement d'une sentence issue d'un jugement ?

L'effort poursuivi dans le second chapitre (p. 36-59) est à la fois convaincant et réaliste. Il convainc dans la mesure où l'enquête a été menée systématiquement pour répertorier les cas où des amendes prononcées par les édiles ont pu contribuer à financer des travaux ou servir les intérêts publics. L'insertion d'un tableau (p. 41-48) permet au lecteur d'en saisir l'inventaire de manière commode. Il est réaliste dans la mesure où il faut bien reconnaître qu'aucune démonstration quantitative ne peut être extraite de cet inventaire. Un cas particulier - mais il fut assurément une affaire d'État - l'amende infligée à Claudia Pulchra est analysée avec minutie. Tout aussi convaincant est l'effort d'élargissement de l'enquête à la documentation épigraphique de l'Italie centrale. Il est possible d'obtenir quelques résultats à partir de ces traces écrites, en dépit des destructions qui n'ont laissé subsister qu'un échantillon de traces dans ce domaine. Dans la deuxième partie, le chapitre 4, relatif aux confiscations de propriété et aux amendes dans la sphère militaire est un peu "expédié" en moins d'une quinzaine de pages (p. 79-93). Il aurait fallu approfondir les quelques cas trop rapidement mentionnés où l'on comprend que la défaite militaire fait l'objet d'une poursuite du chef qui s'en ait rendu coupable pour avoir négligé les rites : l'analyse aurait donc pu être détaillée en soulignant l'entrecroisement entre le registre des opérations militaires et celui de la faute commise à l'égard de la religion.

La troisième partie de l'ouvrage consacrée au siècle des guerres civiles (p. 113-174) aurait pu assurément être approfondie en raison de l'objectif recherché qui serait de quantifier l'impact dû aux confiscations sur le marché des biens et sur les transferts de propriété. Une analyse aussi minutieuse que celle rencontrée dans certains chapitres précédents s'imposait d'autant plus que les sources sont beaucoup plus nombreuses. Et pourtant, on ne parvient pas à cerner véritablement les choix qui sont opérés par rapport au "standard work" de F. Hinard, relatif aux proscriptions et dont l'examen est annoncé en introduction (p. 5). Cet ouvrage, publié il y a près de quarante ans, peut toujours être considéré comme une remarquable étude, très approfondie dans le domaine de la prosopographie et des procédures institutionnelles, mais son auteur tend à relativiser l'impact patrimonial des confiscations, très largement pour des raisons idéologiques. Il réfute en effet l'idée que la saisie des biens ait été déterminante, afin de se départir de toute forme de "matérialisme historique". Ce point ne méritait-il pas un effort supplémentaire d'analyse, afin d'être renouvelé, au lieu d'être traité aussi rapidement ? Que peut-on dire de nouveau sur le sujet, là encore, en seulement en quinze pages (p. 137-152) ?

S. P. fait par ailleurs le choix de ne pas traiter en bloc des proscriptions triumvirales et de n'y recourir que ponctuellement, ce qui contribue à donner l'impression au lecteur, comme nous l'avons indiqué au commencement de ce compte-rendu, d'un "bouclage" un peu précipité de l'enquête (alors que l'article d'A. Biava mentionné dans la bibliographie aurait pu, par exemple, être exploité plus à fond).

Pourquoi, enfin, le sort de Cicéron en 57 av. J.-C. constitue-t-il le terme de l'ouvrage ? Comme on l'a déjà souligné également, le De domo sua (mais aussi, plus généralement, les discours postérieurs au retour d'exil) constitue une source exceptionnelle sur un cas particulier et privilégié. Mais il faudrait souligner autrement la pertinence historique d'un tel arrêt de l'enquête à cette date. On se rangera néanmoins à l'avis exprimé au chapitre 9 (centré sur le De domo sua, dans le sillage des travaux récents de Y. Berthelet sur la question) selon lequel la procédure utilisée témoigne de la coexistence à cette époque entre consecratio et publicatio, et selon lequel encore la confiscation du patrimoine n'a pas été totale dans ce cas.

La conclusion de l'ouvrage insiste sur le caractère essentiel de la saisie patrimoniale (sous forme d'amende ou de confiscation) dans une société romaine d'époque républicaine fondée sur une distribution censitaire du corps civique. Elle souligne par ailleurs le caractère tout à fait inédit des proscriptions syllaniennes, en ce qu'elles auraient pour la première fois introduit une saisie systématique des biens des victimes. Assurément la proscription a constitué en 82 av. J.-C. une forme de poursuite tout à fait nouvelle en raison de son étendue qui a conduit F. Hinard à parler d'une aqua et igni interdictio étendue aux limites de l'orbis terrarum. C'est pourquoi, il n'est pas certain cependant que l'on puisse émettre des doutes quant aux conséquences patrimoniales de "l'interdiction de l'eau et du feu" (l'aqua et igni interdictio est attestée au moins depuis la fin du IIIe siècle) ou de la "déclaration d'ennemi public" qui était apparue quelques années plus tôt en 88 av. J.-C.1. En dépit de ce qui est affirmé à partir du cas de la punition de Servilius Caepio (p. 93), il paraît bien difficile de douter qu'une peine capitale n'ait pas toujours entraîné une saisie des biens de celui qui était exclu de la cité (soit à l'issue d'une exécution, très rarement attestée, soit à l'issue d'un bannissement). Il semble au contraire que l'aqua et igni interdictio ait toujours été, depuis l'origine, suivie d'une publicatio bonorum.

En dépit de ces sujets de discussion et des quelques réserves émises plus haut, cet ouvrage constitue assurément une étape de clarification et de mise en ordre des questionnements. Chacun des points évoqués, et souvent trop rapidement décrit, mériterait toutefois un approfondissement, afin de permettre une avancée dans un champ de recherches qui depuis une vingtaine d'années a fait l'objet d'une attention particulière dans le domaine des études anciennes.

Notes:
1 Je me permets de renvoyer sur ce point à mon article « L’interdiction de l’eau, du feu,… et du toit (sens et origine de la désignation de l’exil chez les Romains) » Revue de Philologie et d’Histoire 87 (2013), p. 125–155.

Redaktion
Veröffentlicht am
Beiträger
Redaktionell betreut durch
Klassifikation
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit
Weitere Informationen
Sprache der Publikation
Sprache der Rezension