M. Brühlmeier: Im Tobel der Busse

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Titel
Im Tobel der Busse. Komturei und Strafanstalt Tobel 1226–2014


Autor(en)
Brühlmeier, Markus; Verena, Rothenbühler
Reihe
Thurgauer Beiträge zur Geschichte 152/1
Erschienen
Frauenfeld 2015: Verlag des Historischen Vereins des Kantons Thurgau
Anzahl Seiten
222 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Christophe Vuilleumier, Colombier

L’histoire des établissements pénitentiaires en Suisse intéresse les chercheurs depuis quelques années. Robert Roth, Pratiques pénitentiaires… (1981), et Claudia Curti, Die Strafanstalt des Kantons Zürich… (1988), avaient sans doute ouvert la voie à cette thématique avec leur livre respectif sur les prisons genevoise et zurichoise. Et depuis lors, quelques ouvrages sont venus enrichir cette histoire méconnue. Des travaux qui portent en l’occurrence sur des établissements spécifiques comme le livre en deux tomes d’Henri Anselmier Les prisons vaudoises (1993), ou, plus récemment, l’étude de Geneviève Heller sur La Maison d’éducation de Vennes… (2012), ou encore des analyses de portée générale comme celle du statisticien Daniel Fink Strafrecht Freiheitsentzug… (2015). L’ouvrage de Markus Brühlmeier et Verena Rothenbühler sur Tobel, une ancienne commanderie de Saint-Jean, s’inscrit dans cette dynamique.

Pris en charge à présent par une fondation, l’ancien établissement religieux devenu prison en 1811 a fait l’objet de différentes études menées par Hans Bühler Die Stickerei in Tobel… (1963), Geschichte der Johanniterkomturei… (1985) et Tobel (2006). Les huit chapitres écrits par Markus Brühlmeier s’appuient largement sur ces recherches, et retracent l’histoire de la commanderie depuis sa création, en 1228, par Diethelm de Toggenbourg, jusqu’à son abandon, lors de la dissolution de l’ordre de Saint-Jean ordonnée par Napoléon. Si l’on peut regretter que l’auteur n’ait pas développé plus avant de comparaison entre les commanderies de Tobel et de Bubikon, créées toutes deux par le même seigneur de Toggenbourg, et esquissée au travers de son ouvrage Kreuz und Quer (2000), comme dans l’étude de Hans Lehmann Das Johanniterhaus Bubikon… (1947), il convient de relever que les chapitres de Markus Brühlmeier viennent soutenir nos connaissances à l’égard des ordres religieux militaires présents en Suisse, et de leurs établissements, relativement peu étudiés et le plus souvent brièvement listés dans les inventaires historiques cantonaux, en proposant notamment une carte des commanderies de Saint-Jean. Les pages consacrées à la commanderie de Tobel viennent donc compléter avec bonheur l’article de Walter Rödel «Die Johanniter in der Schweiz…» (1979). Peut-être eût-il été intéressant de citer également les travaux d’Edmond Ganter sur les commanderies de Compesières, Compesières au temps des commandeurs… (1971) et de La Chaux, La commanderie de La Chaux… (1975)? Si l’auteur a disposé de peu de sources pour les périodes les plus anciennes, celui-ci développe plus largement le fonctionnement de l’établissement lors de la Réforme, et la coexistence religieuse distinguant alors la région, ainsi que les modifications architecturales du XVIIIe siècle apportées par l’architecte Johann Caspar Bagnato qui vinrent remplacer les anciennes constructions de la commanderie.

La deuxième partie de l’ouvrage, écrite par Verena Rothenbühler, porte sur la seconde vie de l’établissement, les années de fonctionnement de la prison (1811– 1973). L’auteure replace son travail dans la perspective des débats portant sur l’enfermement, évoquant plusieurs événements récents ayant défrayé la chronique helvétique. Extrêmement fouillés – 530 notes de bas de page renvoient aux sources provenant des Archives d’Etat –, les chapitres soutenus par une iconographie riche précisent l’utilisation de la prison au cours du XIXe siècle, son usage en tant que maison d’arrêt, et la réforme pénitentiaire de 1836. Neuf tableaux, issus d’un échantillonnage relevé dans les sources, détaillent les entrées, les âges, le sexe, les professions, et les statuts des prisonniers au cours du XIXe siècle jusqu’en 1964. L’auteure évoque bien évidemment les impacts du Code pénal suisse, entré en vigueur le 1er janvier 1942, ainsi que les évolutions que la prison allait connaître avec la ratification par le canton de Thurgovie du Concordat sur l’exécution des peines et des mesures de la Suisse orientale, en 1965.

Il faut surtout noter le long développement – septante pages – consacré à la vie à l’intérieur de la prison. L’entrée, l’emploi du temps, les ateliers de travail et notamment la filature, le pécule, la surveillance, la nourriture, la dimension religieuse, la remise en liberté, la mort, le personnel, les détenus et les sanctions disciplinaires sont ainsi décrits. Il convient de relever l’éclairage que Verena Rothenbühler apporte sur le débat de 1886 à propos des punitions corporelles (Prügelstrafe) et les prises de positions divergentes sur la question d’Alois Engeler et de Friedrich Heinrich Häberlin. L’auteure connaît d’ailleurs fort bien son sujet puisqu’elle a par ailleurs rédigé la notice concernent Heinrich Häberlin dans le Dictionnaire historique de la Suisse.

On peut toutefois regretter l’absence d’un index, qui aurait pourtant été fort utile, ainsi que le manque de précisions sur l’usage de l’établissement et sur les détenus qui y étaient enfermés au cours des périodes de guerre. La position du territoire thurgovien, au bord du lac de Constance, face à Friedrichshafen, ne devait- elle pas avoir de conséquences sur les détenus tant en 1917 qu’en 1942? Ce d’autant plus qu’avec l’introduction du nouveau Code pénal en 1942, des modifications allaient intervenir dans les prisons suisses comme pour l’établissement thurgovien de Kalchrain, fondé lui aussi au cours du Moyen Age, deux ans après Tobel, qui allait voir son statut de maison de travaux forcés transformé.

Cet ouvrage constitue ainsi une double contribution, en premier lieu sur un établissement d’ordre militaire religieux, puis sur un établissement carcéral. Un livre qui participe non seulement à la reconnaissance historique du site, dédié à présent à des manifestations culturelles, mais également à la somme de nos connaissances sur les différents usages dans les prisons helvétiques des deux derniers siècles.

Zitierweise:
Christophe Vuilleumier: Rezension zu: Markus Brühlmeier, Verena Rothenbühler, Im Tobel der Busse. Komturei und Strafanstalt Tobel 1226–2014, Frauenfeld: Verlag des Historischen Vereins des Kantons Thurgau, 2015. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 66 Nr. 1, 2016, S. 164-165

Redaktion
Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 66 Nr. 1, 2016, S. 164-165

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