A. Besson: Le Moyen Age mythique des Neuchâtelois

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Titel
Le Moyen Age mythique des Neuchâtelois. Réécrire l’histoire pour devenir suisse: sur les traces d’un faussaire du XVIIIe siècle


Autor(en)
Besson, Arnaud
Erschienen
Neuchâtel 2014: Éditions Alphil
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Rémy Scheurer

C’est grâce à l’ouverture des archives de la famille de Pury qu’Arnaud Besson a pu tout à la fois répondre aux dernières questions à propos de la fausse Chronique des chanoines et des pseudo Mémoires du chancelier Georges de Montmollin et élargir notre connaissance des idées et des intentions politiques de magistrats neuchâtelois dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Il fut difficile aux Neuchâtelois d’admettre la fausseté de textes aussi vénérables. Philippe Godet et Albert Henry, le premier dans sa grande oeuvre théâtrale pour le cinquantenaire de la République, le second, la même année 1898, dans son Précis d’histoire du canton de Neuchâtel connaissaient la dénonciation de la fausse Chronique par Arthur Piaget en 1895, mais ils n’en citent pas moins un vibrant passage pour l’édification patriotique de leurs auditeurs et de leurs lecteurs, imités en cela par Jules Baillods en 1948 encore dans son Pays de Neuchâtel. Aujourd’hui, il ne subsiste donc plus des supercheries d’Abram de Pury que, nichées sur la façade du Collège latin, les statues du chanoine Hugues de Pierre et du chancelier de Montmollin, l’un imaginé et l’autre qui n’avait pas besoin d’une plume factice pour rester dans les mémoires ; que, au château de Neuchâtel, des peintures ; et, oubliés dans des dictionnaires historiques de la langue française, des vocables.

L’étude d’Arnaud Besson porte sur l’ensemble des textes apocryphes d’Abram de Pury. Et on sait qu’ils ont contaminés l’historiographe neuchâteloise avant même d’être imprimés, puisque Jérôme-Emmanuel Boyve recourt à la Chronique dans ses Recherches sur l’ indigénat helvétique (1778). Personne n’a mis en cause sa bonne foi dans ces emprunts.

Dans les trois premiers chapitres, Arnaud Besson revient sur la diffusion et l’édition de la Chronique et des Mémoires. Il rappelle combien ces oeuvres ont marqué l’enseignement et la culture au XIXe siècle et combien elles ont contribué à donner aux Neuchâtelois une vision de leur passé. Il traite enfin de l’historiographie au sujet des révélations d’Arthur Piaget jusqu’à la notice de Monique de Pury sur Abram de Pury, en 1970.

C’est à partir du quatrième chapitre que l’auteur passe de la synthèse et de la mise à jour des connaissances antérieures à l’examen des papiers d’Abram de Pury conservés dans les archives familiales. En philologue, et non sans une perceptible délectation, il analyse les manuscrits, les compare entre eux et avec les éditions, les met en relation avec d’autres textes et fait ainsi la démonstration qu’Abram de Pury est incontestablement l’auteur de la Chronique et des Mémoires. Arnaud Besson redouble même de preuves. Il ne boude pas un plaisir qu’il fait partager au lecteur en mettant sous ses yeux des reproductions des passages les plus probants.

Dans le chapitre suivant, Arnaud Besson établit la date de rédaction des oeuvres : 1777-1778 pour la Chronique, 1781-1782 pour les Mémoires. Il consacre encore un chapitre à la recherche des sources utilisées par l’auteur, tâche difficile dans l’état actuel des connaissances de l’historiographie manuscrite.

Une fois les textes étudiés et les artifices, détours et habiletés du faussaire dévoilés, Arnaud Besson passe à un autre niveau. Il s’intéresse à la carrière et à la personnalité d’Abram de Pury pour détecter son intention. Il vérifie ainsi l’hypothèse qu’il a agi dans l’espoir de favoriser le rapprochement de la principauté du corps helvétique, et pas seulement pour des raisons économiques de facilité dans les relations commerciales avec la France. Arnaud Besson apporte des connaissances nouvelles sur un milieu neuchâtelois prêt à « convertir cette principauté en une République suisse » (pp. 137-138) avec un gouvernement oligarchique et sans plus de lien avec le roi de Prusse.

En annexe, Arnaud Besson publie un complément analytique à l’inventaire des archives de Pury dressé par Hugues Jéquier après leur dépôt aux Archives de l’Etat ainsi qu’un remarquable document d’helvétisme : les observations adressées en 1777 au lieutenant colonel Perregaux (vraisemblablement François-Frédéric Perregaux) au sujet de l’inclusion de Neuchâtel dans le traité d’alliance entre la France et les Suisses (pp. 149-150 et pp. 175-192)

Si Arnaud Besson éclaire magistralement et conclut la discussion à propos de la Chronique et des Mémoires, il apporte aussi une belle contribution à la connaissance des idées politiques de notables neuchâtelois dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Zitierweise:
Rémy Scheurer: Rezension zu: Arnaud Besson, Le Moyen Age mythique des Neuchâtelois. Réécrire l’histoire pour devenir Suisse : sur les traces d’un faussaire du XVIIIe siècle, Préface de Jean-Pierre Jelmini, Neuchâtel, Alphil, Presses universitaires suisses, 2014. Zuerst erschienen in: Revue historique neuchâteloise, Vol. 3, 2014, pages 187-188.

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Revue historique neuchâteloise, Vol. 3, 2014, pages 187-188.

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