G. Andrey u.a.: Marc Mousson

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Titel
Marc Mousson. Premier chancelier de la Confédération suisse


Autor(en)
Andrey, Georges; Maryse, Oeri von Auw
Erschienen
Bière-Divonne-les-Bains 2012: Editions Cabédita
Anzahl Seiten
254 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Philippe Henry

La trajectoire de Marc Mousson, personnage méconnu auquel l’historiographie s’est peu intéressée, est étonnante: secrétaire général du Directoire dès les débuts de la République helvétique – à l’âge de 22 ans! –, puis chancelier de la Confédération dès la Médiation et sous le régime du Pacte fédéral, sans interruption de 1803 à 1830. Ce juriste vaudois, bourgeois de Morges, traverse sans grandes secousses toutes les tempêtes de l’époque, faisant preuve d’une remarquable capacité d’adaptation aux ruptures politiques et idéologiques, disposition qui rappelle, toutes proportions gardées, la souplesse d’un Talleyrand… Comment et pourquoi ce personnage a-t-il pu et su se maintenir ainsi dans une fonction en principe de nature purement administrative, en réalité souvent chargée de responsabilités politiques ou diplomatiques, pendant plus de trente ans? C’est une des questions centrales auxquelles ce livre veut répondre.

Excellent connaisseur de l’histoire politique du premier XIXe siècle helvétique, Georges Andrey est le principal auteur de cette biographie. Celle-ci lui permet, audelà de l’analyse d’une vie et surtout d’une carrière sur laquelle le livre est centré et dont le déroulement chronologique est le fil conducteur, de rappeler à grands traits l’histoire politique, institutionnelle et diplomatique de cette époque complexe et décisive pour la Suisse. Une documentation riche, partiellement originale (souvenirs de Mousson, correspondances) et fort bien exploitée forme le soubassement très solide de l’édifice.

En 1798, un peu par hasard et profitant immédiatement d’une série de chances et de protections qui vont accompagner toute sa carrière, Mousson, petit avocat inexpérimenté dont les origines familiales bourgeoises et la courte période de formation (achevée à Tübingen) sont évoquées, est embarqué dans la brève aventure de la République helvétique. Il a auparavant été député à l’assemblée représentative provisoire de l’éphémère «République lémanique» vaudoise, dont il est devenu secrétaire avec le soutien du futur directeur de l’Helvétique Maurice Glayre. Ce dernier est en effet bientôt appelé au Directoire et emmène le jeune homme dans ses bagages, pour le faire élire secrétaire romand du Grand Conseil national et, deux semaines plus tard, promouvoir au rang de secrétaire en second du Directoire, et enfin secrétaire général. La disparition du Directoire en 1800 le tranforme en secrétaire général de la Commission exécutive. Les gouvernants se succèdent à un rythme rapide, mais Mousson est toujours là jusqu’en 1803. Il occupe dès lors, soutenu notamment par le landamman d’Affry, le nouveau poste de chancelier de la Confédération; il seconde le landammann voulu par Bonaparte, qui change chaque année au gré du tournus des six cantons directeurs. La présence ininterrompue du même chancelier renforce évidemment le poids de la fonction et l’influence de son titulaire, qui tend ainsi, incarnant la continuité de l’institution, à devenir un véritable gouvernant, voire, du moins temporairement, le chef du gouvernement, selon certaines interprétations. Ce que montre très bien un survol de l’histoire politique de la Suisse de la Médiation et l’analyse du rôle de plus en plus important de Mousson. Cette influence ne fait que se confirmer sous le régime du Pacte fédéral, notamment sous l’angle diplomatique, dans la phase de reconstruction de la Suisse à l’époque de la refonte diplomatique des années 1814–1815.

Pour les auteurs, pleins d’empathie pour leur sujet, l’explication principale de la longue et belle carrière de Mousson tient à ses qualités. La «loyauté» de son engagement d’abord, en dépit de son évolution idéologique, sur laquelle on s’attarde peu, et qui le mène de l’adhésion à l’utopie de l’Helvétique à des positions franchement conservatrices sous le Pacte fédéral. Ses «capacités» ensuite: reprenant notamment les éloges décernés à Mousson par certains de ses contemporains, surtout les plus illustres, souvent étrangers, les auteurs ne lésinent pas sur les qualificatifs louangeux. Le «génial» chancelier est un bon juriste, un habile diplomate, un grand patriote vaudois et suisse, etc. Ces constats, déjà lourdement annoncés dans deux préfaces hagiographiques (Corina Casanova, Nuria Gorrite), sont indéniables. Cependant le poids qu’on leur donne pourrait paraître excessif, au détriment de la prise en compte du rôle de la chance ou du hasard, dont on sait qu’ils influent même le déroulement de la vie des plus «grands hommes». En d’autres termes, le genre biographique est comme on le sait plein d’ambiguïtés, de pièges et de difficultés, ce dont les auteurs sont à l’évidence bien conscients. Quoi qu’il en soit, cette biographie a le grand mérite d’attirer l’attention sur un acteur discret mais essentiel de l’histoire politique de la Suisse du premier XIXe siècle et, peut-être surtout, sur ses fonctions, dont l’analyse contribue utilement à la mise en valeur d’une histoire de l’administration aussi révélatrice qu’aujourd’hui peu en vogue.

Il est important de préciser que ce livre est très explicitement destiné à un public aussi large que possible, conformément aux options générales de l’éditeur. Il s’agit d’un travail de très bonne vulgarisation. En conséquence il est écrit dans un style vif, voire journalistique ou «accrocheur» – qu’on peut priser ou non; le texte est parsemé d’«encadrés» axés sur la vie privée et familale de Mousson et qui font la part belle à l’anecdote, significative ou non; les citations ne sont pas référencées avec précision et la description finale des sources manuscrites reste rapide, alors que la bibliographie est embryonnaire; il n’y a pas d’index. Surtout la mise en contexte de l’itinéraire du chancelier, toujours bien structurée, très claire et parfaitement informée, est conçue à l’usage des profanes, ce qui justifie, dans un souci didactique appuyé, bon nombre de rappels et d’évidences inutiles au lecteur un tant soit peu averti. Tout cela est voulu et revendiqué, pour une lecture facile et agréable; dans ce sens, c’est une évidente réussite.

Zitierweise:
Philippe Henry: Rezension zu: Georges Andrey, Maryse Oeri von Auw, avec la collaboration de Marc Mousson: Marc Mousson 1776–1861. Premier chancelier de la Confédération suisse (avantpropos de François Jequier). Bière-Divonne-les-Bains, Editions Cabédita, 2012. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 63 Nr. 2, 2013, S. 293-296.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 63 Nr. 2, 2013, S. 293-296.

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