G. Andrey u.a.: Marc Mousson

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Titel
Marc Mousson. Premier chancelier de la Confédération


Autor(en)
Andrey, Georg; Maeyse, Oeri von Auw
Erschienen
Bière 2012: Editions Cabédita
Anzahl Seiten
254 S.
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Olivier Meuwly

Le canton de Vaud regorge de personnages passionnants et Marc Mousson appartient sans conteste à cette catégorie. Georges Andrey et Maryse Oeri von Auw se sont attelés à rendre vie à cette personnalité discrète, mais ô combien importante à un moment charnière de l’histoire suisse, et il faut leur en savoir gré. Le texte est agrémenté d’intéressants encadrés racontant les péripéties de la vie de la famille Mousson.

Soucieux de ne pas dépasser le cercle précis des prérogatives qui incombent au Chancelier de la Confédération suisse qu’il est, Marc Mousson agit en véritable soutien d’une Diète privée de toute capacité d’action. Il saura ainsi se rendre indispensable aux landammans qui se succèdent à la présidence de l’assem - blée des cantons et assurera à lui seul la continuité d’un État qui n’existe pas, mais qui doit défendre son existence au coeur d’une Europe en plein bouleversement.

Mousson s’acquittera avec talent de sa tâche, non sans afficher une compréhension aiguë des exigences de la haute politique. Sous le couvert du service de l’État, se serait-il glissé avec une gourmandise plus forte qu’on ne pourrait l’imaginer dans les habits d’un homme de pouvoir? Souvent seul interlocuteur crédible des représentants des grandes puissances, il se plie avec dévouement, et avec un sens de la patrie jamais pris en défaut aux obligations de sa tâche. Se laisse-t-il néanmoins un peu griser par les marques d’estime que les Capo d’Istria, Lebzeltern, Schraut ou encore Metternich lui prodigueront?

S’il a une haute conscience de sa mission, il n’hésite pas à apposer sa marque sur une Diète où règne la discorde. Mousson: un haut commis de l’État ou un homme politique masqué? «Véritable landammann de la Suisse», comme le qualifie joliment G.Andrey, Mousson se mêle-t-il de politique uniquement pour combler le vide institutionnel laissé par la Diète divisée? Ou apparaît-il comme un homme d’État par défaut, juste là pour suppléer les lacunes d’un personnel politique rarement à la hauteur des événements, si l’on excepte évi demment les d’Affry, les Watteville ou les Reinhard, avec lesquels notre homme entretiendra des rapports empreints de respect et d’amitié?

Il faut dire que Mousson ne subordonne pas son action à une vision du monde bien dessinée. Il ne dévoile qu’incidemment les convictions qui l’animent. Comme le dit Andrey, Mousson est un homme de la Restauration: voilà le point de cristallisation de son idéal politique, suffisamment éloigné de la Révolution pour ne plus en porter les stigmates les moins reluisants, et suffisamment éloigné des monarchies dans lesquels la Suisse qu’il aime ne pourra jamais se retrouver.

Mousson est un Vaudois de relativement fraîche date. Sa famille, chassée de l’Ariège au moment de la révocation de l’Édit de Nantes, trouve refuge à Morges, où sa réputation ne cesse de grandir; elle en obtient la bourgeoisie en 1791. Son père est pasteur, mais Marc se tourne vers le droit. Il l’étudie à Tübingen, ville qui aimante maints Vaudois: La Harpe et Monod y acquerront les bases de leurs connaissances juridiques. Il y obtient un doctorat en 1796, avant de se perfectionner à Göttingen. De retour dans son pays natal, il devient avocat avant d’être engagé au tribunal de Bursins.

Mais l’histoire s’accélère. La France révolutionnaire s’invite sur les bords du Léman en janvier 1798. Mousson est délégué par le cercle de Bursins pour siéger dans l’Assemblée provisoire. Glayre, l’un des pères spirituels de la Révolution vaudoise, le remarque, puis l’emmène au Directoire exécutif de la République helvétique où il vient d’être élu. Mousson est nommé secrétaire général en second du gouvernement suisse, puis secrétaire général et chancelier. S’ouvre une carrière dont il ne déviera pas, résistant à tous les soubresauts d’une période particulièrement agitée.

D’Affry confirme Mousson dans son poste lorsqu’il devient le premier landamman de la Suisse de la Médiation et disposera en ce dernier d’un collaborateur efficace, au courant de toutes les affaires, mais surtout d’une loyauté irréprochable. En décembre 1799, n’avait-il pas abandonné La Harpe à ses ambitions de réformer la République, avec l’aide de la France au besoin? Le citoyen de Rolle espérait attirer le jeune chancelier dans sa conspiration, en vain. Mousson avertit les autres membres du Directoire, les plans du vieux révolutionnaire furent éventés. Hors de lui, La Harpe poursuit de sa rancune son jeune compatriote quitte à se soustraire au duel que ce dernier avait exigé. La haine entre les deux hommes ne s’effacera jamais, mais ne portera pas à conséquence en 1814, alors que la survie du canton de Vaud est remise en question. Berne avait alors la ferme intention de récupérer son cellier vaudois…

À ce moment, Mousson apparaît comme l’homme clé de la Longue Diète, qui siège à Zurich entre 1814 et 1815 et qui tente désespérément d’adopter une position commune face à des Puissances en train de remodeler l’Europe. Mousson est au faîte de sa puissance, comme son ennemi La Harpe, qui, dans l’entourage immédiat du tsar Alexandre Ier, manoeuvre pour préserver l’indépendance de son canton. Le but des deux Vaudois sera atteint.

De son côté, Mousson voit affluer vers lui les compliments, fonctionnant comme le «ministre des affaires étrangères de fait» de cette Confédération si instable. Capo d’Istria, chargé par Alexandre d’accompagner la Suisse, et notamment le canton de Vaud, sur la voie de la Restauration, décrit le Morgien comme un «homme de génie, esprit très ardent, sachant maîtriser ses passions (ayant su se maintenir) dans son poste de secrétaire général (chancelier) et (l’ayant rempli) à la satisfaction de tous les pays». Mousson parviendra également à convaincre les Bernois à accepter le nouvel ordre des choses: pas le moindre de ses exploits…

C’est à ce moment pourtant que Mousson enregistre peut-être le seul échec de sa carrière: il espérait aider son ami Georges Hyde de Seigneux, un représentant des conservateurs vaudois, à entrer au Conseil d’État de son canton en plaidant pour un gouvernement fort de seize personnes. Suivant les conseils de Capo d’Istria, les Vaudois, rêvant d’un système proche de celui en vigueur sous l’Acte de Médiation, se rallient à un compromis excluant les héritiers de l’ancien Pays de Vaud…

Mousson a dépassé son zénith. Homme de la Restauration, Mousson, républicain très modéré en 1798, n’adhère pas aux théories de la souveraineté populaire. Le mouvement libéral qui monte en puissance à partir des années 1820 l’effraie et il assiste dépité aux révolutions de 1830. Il regarde avec suspicion l’arrivée au pouvoir des libéraux, même s’il les rejoint sur un point: il souhaite avec eux une réforme d’envergure du Pacte fédéral qui régit la Confédération depuis 1815. Il aimerait une Suisse plus centralisée, dotée d’institutions performantes et aptes à permettre à son pays de s’imposer sur une scène internationale toujours aussi tumultueuse. Ses craintes redoubleront avec l’apparition d’un courant radical. Druey ne lui inspire rien qui vaille… Las, Mousson démissionne en 1830, à l’âge de 54 ans, laissant sa place à son fils Henri. Lui-même proche des conservateurs, il quitte ses fonctions trois ans plus tard, avant de mener une carrière politique dans le canton de Zurich, où il sera conseiller d’État de 1839 à 1845. Dès 1848, Marc n’est plus qu’un spectateur circonspect de l’évolution de son pays et livre ses états d’âme à sa fille, Albertine, épouse d’un conservateur genevois. Son autre fils, Albert, sera professeur de physique à l’Université de Zurich, puis à l’École polytechnique fédérale, dès sa fondation en 1855.

Georges Andrey nous propose une belle et alerte biographie de cette véritable éminence grise de la jeune Confédération. Peut-être aurait-il pu en profiter pour esquisser une histoire des débuts de l’administration fédérale, une branche qui connaît un intérêt certain aujourd’hui, dans le sillage des travaux, notamment, de Gilbert Coutaz pour notre canton. De même l’auteur aurait peut-être pu davantage mettre en perspective l’évolution politique de Mousson: Muret ou Boisot n’ont-ils pas eux aussi débuté aux côtés des révolutionnaires plus ou moins modérés avant de rejoindre le camp conservateur? Mais le livre d’Andrey et Oeri von Auw pose des bases importantes pour une meilleure connaissance du personnel politique de la Confédération et du canton de Vaud du début du XIXe siècle.

Zitierweise:
Olivier Meuwly: Compte rendu de: Georges ANDREY, Maryse OERI VON AUW, Marc Mousson. Premier chancelier de la Confédération, Bière: Cabédita, 2012. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 297-298.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 297-298.

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