A. Bandelier: Des Lumières à la Révolution

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Titel
Des Lumières à la Révolution. Le Jura et les confins francohelvétiques dans l’histoire


Autor(en)
Bandelier, André
Erschienen
Neuchâtel 2011: Éditions Alphil
Anzahl Seiten
484 p.
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Antoine Broussy

Ces Mélanges, offerts à André Bandelier pour ses 70 ans par Philippe Terrier, Frédéric S. Eigeldinger et François Jequier, rassemblent trente-deux de ses articles publiés dans diverses revues scientifiques. Ils brossent un horizon de recherches délimité par l’étude privilégiée de l’histoire régionale (principalement jurassienne) et de l’histoire sociale et culturelle des XVIIIe et XIXe siècles.

de l’histoire sociale et culturelle des XVIIIe et XIXe siècles. Les sujets réunis dans ce volume s’articulent autour de deux parties: les réseaux des Lumières d’une part, la Révolution et le premier Empire d’autre part. C’est donc en cheminant entre la deuxième moitié du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle que cette compilation révèle le travail minutieux et de longue haleine entrepris par l’auteur autour de quatre thèmes principaux: l’éducation, les formes de la sociabilité, le vécu des contemporains, les mutations engendrées durant la période révolutionnaire et impériale. Reflétant son idéal d’une «histoire au ras du sol» (p. 472), les travaux d’André Bandelier nous conduisent au coeur d’espaces vécus. Ses conclusions ouvrent souvent des pistes qui remettent en cause un certain nombre de lieux communs de l’histoire suisse. Elles ne versent pourtant pas dans l’excès inverse qui voudrait que du cas très particulier et subjectif on puisse aboutir à une forme de généralisation abusive. Comme il le rappelle en étudiant le journal du pasteur Théophile Rémy Frêne, il faut se garder de «confondre le réel et le vécu d’un contemporain» (p. 428).

La première partie consacrée au siècle des Lumières met l’accent sur l’étude du préceptorat, des échanges culturels entre la Suisse et Berlin et sur les relations entre la linguistique et l’histoire. Les sources sont largement, mais pas uniquement, constituées des correspondances et journaux de Théophile Rémy Frêne ou de Samuel Formey qui ont donné lieu ensuite à des éditions critiques. Ce travail s’inscrit dans le champ d’étude de la sociabilité des Lumières. Ils suivent une veine historiographique agencée autour des notions de réseau et de circulation des savoirs au sein de cercles littéraires, intellectuels et scientifiques de l’époque. Celle-ci a été creusée ailleurs par des historiens tel que Gregory S. Brown, Robert Darnton ou Dena Goodman pour le monde anglo-saxon ou bien Antoine Lilti, Jean-Luc Chappey ou Stéphane Van Damme pour la France. Ainsi, la correspondance de Samuel Formey se trouve-t-elle au centre d’un réseau particulièrement important grâce auquel on découvre, par exemple, l’enseignement privé du français, langue internationale. Elle permet aussi d’appréhender les difficultés du préceptorat dont les représentants furent les intermédiaires clés d’une société dont les limites s’étendent à l’Europe francophone, nordique et orientale (p. 69). C’est ainsi que l’étude de la Société typographique de Neuchâtel (p. 135–152) – dont Robert Darnton s’est également emparée – révèle les affinités et intérêts intellectuels de différents groupes sociaux (horlogers, pasteurs, notaires) en même temps que les intérêts économiques des «montagnons» dont le travail d’édition est indissociable des demandes du marché. L’on voit alors se dessiner un monde de connaissances partagées autour d’une production littéraire que l’on discute et que l’on s’échange et qui donne un aperçu de l’esprit du temps, tant au point de vue intellectuel qu’en termes de relations culturelles et sociales. En effet, les différentes formes de l’échange, dont les contours dessinent les cadres de la sociabilité de l’époque, dévoilent les stratégies déployées par les acteurs pour satisfaire leurs ambitions tout autant que les intérêts ou les rivalités politiques.

Les articles dédiés à la Révolution et à l’Empire couvrent des thèmes variés: perception des bouleversements révolutionnaires à travers les journaux personnels, transformations culturelles et impacts religieux de la Révolution, nouveaux cadres administratifs, changements dans la presse et l’éducation, processus d’intégration des élites dans les années décisives du régime napoléonien. On notera également un article particulièrement savoureux sur la santé perçue à travers des papiers de famille jurassiens (p. 453–465). L’ensemble est impossible à résumer mais des lignes de force se dégagent néanmoins. En effet, le goût pour la micro-histoire permet à André Bandelier d’avoir senti avant beaucoup d’autres toute la complexité et la richesse de la période révolutionnaire en Suisse «largement occultée par une historiographie plutôt conservatrice» (p. 267). L’étude qu’il consacre, en 1989, aux journaux personnels du ci-devant Evêché de Bâle en offre un bon exemple (p. 261–266). Là où ceux-ci révèlent davantage de répulsion que de séduction pour les «nouveautés» introduites par la Révolution, André Bandelier note que cette défiance ne peut «masquer les apports positifs du régime français, fait reconnu par l’expérience des plus lucides des contemporains» (p. 265). C’est d’ailleurs ce que confirme, entre autres exemples, une étude sur la presse du Haut-Rhin durant la période impériale. A rebours des images d’une presse abâtardie par le pouvoir napoléonien, les conclusions d’André Bandelier montrent que, si les aspects formels restaient proches de ceux de l’Ancien Régime, les efforts gouvernementaux pour mieux contrôler l’opinion publique en séparant les feuilles d’avis et les journaux politiques avaient engendré d’une part une diversification géographique et d’autre part une floraison des titres à l’origine de l’essor de la presse provinciale du XIXe siècle (p. 391).

Au final, comme le souligne François Jequier, «le cadre local et régional apparaît comme le champ idéal de vérifications de phénomènes précis» (p. 256). Grâce à la bibliographie proposée en fin de volume, ces Mélanges offrent une bonne introduction à une oeuvre ancrée dans la profondeur de la vie des hommes, une vie qu’une analyse historique rigoureuse est capable d’inscrire dans un contexte plus large, utile, sinon nécessaire, aux synthèses, une histoire toujours en construction.

Zitierweise:
Antoine Broussy: Rezension zu: André Bandelier: Des Lumières à la Révolution. Le Jura et les confins francohelvétiques dans l’histoire. Neuchâtel, Editions Alphil – Presses universitaires suisses, 2011. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 62 Nr. 1, 2012, S. 165-167

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 62 Nr. 1, 2012, S. 165-167

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