e. Ziegelmeyer: Voyages dans les Alpes

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Titel
Voyages dans les Alpes en 1872 et 1875.


Autor(en)
Ziegelmeyer, Emile
Herausgeber
Guignard, Adrien
Reihe
Le Voyage dans les Alpes
Erschienen
Chêne-Bourg 2006: Editions Georg
Anzahl Seiten
329 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Elodie Le Comte

Par amour du vagabondage est le quatrième ouvrage de la collection «Le Voyage dans les Alpes», dirigée par Claude Reichler et éditée chez Georg éditeur. Cette collection – relativement nouvelle, puisque le premier ouvrage est paru en 2002 – est consacrée à l’histoire culturelle des Alpes et à leur perception par les voyageurs. S’adressant tant à un public spécialisé qu’au cercle élargi des amateurs de montagne et de littérature viatique, elle entend faire connaître des documents de nature diverse (tels que guides, récits de voyages ou d’ascension, parcours de vie), et propose également des analyses plus thématiques sous forme d’essais.

L’ouvrage qui nous intéresse ici est à ranger dans la première catégorie, puisqu’il s’agit de la publication d’un manuscrit retraçant les pérégrinations d’un artisan papetier alsacien, Emile Ziegelmeyer, en 1872 et 1875. Le texte original (7 volumes, 1542 pages) avait été établi en son temps par Ziegelmeyer, à partir des notes couchées quotidiennement sur son carnet de route et remises en forme après coup. Il portait en fait sur trois voyages, dont le premier n’est pas édité, car l’itinéraire suivi par le jeune homme en 1869 à travers la Suisse et l’Italie, ne présente pas un caractère spécifiquement alpestre aux yeux de la collection. Ce sont donc le second et le troisième périples, au Tyrol et en Illyrie, puis au coeur des Alpes savoyardes et valaisannes, qui ont été privilégiés. Ils forment les deux parties de cette édition, elles-mêmes divisées en chapitres dont les intitulés correspondent aux régions parcourues.

Loin de s’adresser à un large public, ces deux récits sont dédiés pour l’un au grand-oncle de l’auteur, pour l’autre à sa fiancée. Son ami d’enfance, «l’étudiant en médecine» Eugène (qui est aussi le compagnon de route de Ziegelmeyer dans ces deux voyages), figurait sans doute parmi les destinataires. La version manuscrite se trouvait agrémentée de près de 400 photographies, dont on trouvera une petite sélection de portraits d’indigènes en costume traditionnel et de paysages alpestres reproduits en annexe de l’ouvrage qui nous occupe. La publication de celui-ci a été rendue possible par le fidèle travail de transcription réalisé par Adrien Guignard, selon un parti pris d’authenticité explicité en introduction. Les lignes qui nous sont données à lire suivent donc de très près la plume de Ziegelmeyer. La physionomie générale du texte a par contre fait l’objet de coupures plus ou moins importantes, dont le contenu est brièvement résumé lorsque cela s’avère nécessaire à la compréhension, mais dont on peut dire qu’elles n’entravent en rien la continuité du récit pour le lecteur. Notons encore qu’une série de cartes a été judicieusement annexée afin de faciliter la lisibilité des itinéraires parcourus, qui ne sont en effet pas toujours facilement identifiables. Une brève bibliographie réunissant des récits de voyageurs contemporains à Ziegelmeyer, ainsi que quelques études historiques ou littéraires en lien avec les thématiques des Alpes et du voyage complètent enfin cette édition.

Agé de vingt-trois ans en 1872, Ziegelmeyer a déjà derrière lui une certaine expérience du voyage lorsqu’il entreprend le parcours pour le moins original qui le mène à travers les Alpes grisonnes et dolomitiques jusqu’en Istrie et sur la côte dalmate. Malgré l’incongruité du motif – qui le pousse parfois à inventer quelque prétexte professionnel – Ziegelmeyer avoue prendre la route ni plus ni moins que «par amour du vagabondage». Le lecteur du XXIe siècle ne manquera pas de faire le rapprochement avec la figure de l’actuel voyageur «sac au dos» ou du routard, comme le suggère François Walter dans sa préface. En ce dernier quart du XIXe siècle, Ziegelmeyer fait partie de ceux qui se sont affranchis des motifs scientifiques et du discours esthétique dans leur approche de la montagne. Notre artisan papetier – statut qui, soit dit en passant, n’est pas des plus communs parmi les auteurs de récits de voyages à cette époque – semble avant tout guidé par une grande curiosité pour le monde qui l’entoure, et un désir renouvelé de se porter à la rencontre d’hommes et de contrées inconnus de lui. Ainsi, il n’hésite pas à s’écarter des itinéraires balisés par les guides renommés, et suivis, de fait, par le touriste ordinaire – figure dont il lui plaît d’ailleurs de se distancier. Cela dit, Ziegelmeyer connaît ses classiques et ménage également une place à la visite des hauts-lieux touristiques de son temps, dont l’ascension du Mont-Blanc est peut-être ici l’exemple le plus explicite. Car notre marcheur infatigable est aussi aguerri aux choses de la montagne. Le lecteur est en effet amené à gravir plusieurs sommets à ses côtés, parmi lesquels l’Ortler (3899 m) en 1872, puis le Moléson (2002 m), la Haute Cime des Dents du Midi (3257 m), le Buet (3099 m), et surtout le Mont-Blanc (4807 m), lors des courses alpestres de 1875 en Savoie et au Valais.

Ce qui caractérise avant tout le récit de Ziegelmeyer – et que n’ont pas manqué de relever les auteurs des deux préfaces qui lui sont consacrées – reste sans doute le regard précis et attentif qu’il porte sur les régions qu’il découvre. Conformément aux textes viatiques de cette époque, la plume du papetier est assez peu introspective. C’est par bribes que l’on peut collecter au fil de la lecture quelques détails personnels et de rares considérations relatives aux positions politiques ou confessionnelles de l’auteur. Ziegelmeyer livre par contre une observation très fine de son quotidien de voyageur, avec un grand souci de réalisme. Géographie, histoire, économie, architecture, coutumes et spécificités locales, alimentation, tenues vestimentaires, tarifs, modes de transport, etc., constituent la matière même d’un récit que l’on peut qualifier de très descriptif. Au-delà des clichés peu flatteurs encore fréquemment conviés au XIXe siècle à l’encontre des populations alpines, Ziegel meyer porte un intérêt véritable aux gens qu’il rencontre et livre un panorama ethnologique et sociologique aussi riche qu’original. Sa simplicité doublée d’une indéniable capacité d’adaptation l’amènent à côtoyer au plus près la réalité des contrées qu’il traverse, quitte à remettre à plus tard certaines exigences de confort ou d’ordre culinaire. Par là même, il porte à notre connaissance une multitude d’informations permettant de mieux cerner les caractéristiques des régions concernées et le style de vie de leurs habitants, en même temps qu’un témoignage précieux sur les modalités du voyage dans les Alpes à son époque.

Malgré la distance du temps, le personnage de Ziegelmeyer nous apparaît très vite comme sympathique et familier, tant sa démarche et les motifs qui la guident présentent un caractère résolument moderne, et pourraient même s’apparenter à nos propres expériences de «backpackers» du XXIe siècle. On peut en tout cas féliciter Adrien Guignard pour son important travail de transcription et de mise en forme, grâce auquel la quête des historiens et autres ethnologues, tout comme la curiosité des amateurs de vagabondage trouveront pour sûr quelque satisfaction.

Citation:
Elodie Le Comte: Compte rendu de: Emile Ziegelmeyer: Par amour du vagabondage …: Voyages dans les Alpes en 1872 et 1875 (éd. par Adrien Guignard). Chêne-Bourg, Georg (coll. Le Voyage dans les Alpes), 2006. Première publication dans: Revue suisse d’histoire, Vol. 57 Nr. 2, 2007, pages 211-213.

Redaktion
Veröffentlicht am
10.02.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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