S. Bourquin: Racoleuses et proxénètes

Cover
Titel
Racoleuses et proxénètes. Prostitution clandestine à Genève à la fin du XIXe siècle


Autor(en)
Bourquin, Sébastien
Erschienen
Neuchâtel 2008: Éditions Alphil
Anzahl Seiten
141 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Daniel Palmieri

Fruit d’un mémoire de licence en histoire, l’ouvrage de Sébastien Bourquin aborde une thématique très prisée depuis plusieurs années par les historiens des mentalités: celle du sexe tarifé. Qu’on se souvienne ici de l’ouvrage fondateur – et peut-être même définitif – d’Alain Corbin, Les filles de noces, (d’ailleurs cité par l’auteur) qui, pour ne parler que de la France, laissa dans son sillage toute une série d’études cloniques de second ordre. Car comme d’autres sujets touchant à l’intime des comportements humains, sinon davantage, la sexualité intéresse, attire, questionne. Et lorsqu’on l’aborde sous l’angle de la prostitution, l’intérêt s’en trouve même redoublé, tant ce monde interlope, oscillant entre le visible et l’inconnu à la fois, nourrit toutes les fantasmagories. De plus, si la chose est vendue sous la forme d’une enquête historique, elle a toutes les chances d’appâter le lecteur, bien heureux de laisser, derrière le paravent de la scientificité, une mauvaise conscience voyeuriste. La chronique qui suit prouve d’ailleurs le bien-fondé de ces propos.

Or, force est de constater que l’excitation est souvent de courte durée! Il faut tout de suite ajouter que ce constat est ici indépendant de la qualité de l’ouvrage proposé, qui est une étude sérieuse et bien menée sur un sujet finalement très difficile à appréhender. En effet, dans cette recherche comme dans d’autres qui l’ont précédée sur l’histoire de l’amour payant (nous pensons notamment à l’ouvrage Le déclin des maisons closes sur la prostitution réglementée à Genève), l’absence de sources sur le sujet traité se révèle un obstacle quasiment insurmontable pour l’historien qui veut regarder par le trou de la serrure. Loin d’y percer des secrets d’alcôve, il risque plutôt de se relever avec un sacré mal de dos! La pauvreté et le laconisme (voire la pudibonderie) des documents officiels, et l’impossibilité de compléter cette documentation par des témoignages privés tant des prostituées et du milieu proxénète que de leur clientèle empêche une analyse en profondeur et depuis le dedans du phénomène prostitutionnel dans le passé. L’historien reste alors sur sa faim. Il y a d’ailleurs peu de chances que cette situation ne change, car, contrairement à l’auteur, nous ne croyons pas à l’existence de vrais «journaux intimes», tenus par les racoleuses ou leur entourage immédiat, et cela en raison du faible niveau d’alphabétisation parmi cette population flottante. Et le fait que l’on traite de la prostitution clandestine ou de celle réglementée ne change rien à la donne, les deux objets partageant, à Genève en tout cas, la même carence documentaire. Le lecteur intéressé devra donc se rabattre sur la littérature grivoise lui, elle, abonde en descriptions plus ou moins romancées (et idéalisées) de la vie des petites marchandes de plaisir (pour reprendre le titre de l’ouvrage de l’écrivain et grammairien Jacques Cellard). A ce premier biais heuristique s’ajoute encore une double limitation géographique (ville de Genève) et temporelle (cinq années étudiées, soit de 1888 à 1892) imposée avant tout par la nature même de l’exercice car, rappelons-le, l’étude est le résultat d’un travail de mémoire de licence. L’économie de l’ouvrage se ressent de ces différentes contraintes et laisse une part belle au volet statistico-descriptif (Chapitre I, Développement de la prostitution clandestine), puis à l’aspect législatif et pénal (Chapitre III, Lutter contre un «fléau social») au détriment de ce qui aurait fait le coeur du sujet, à savoir les pratiques prostitutionnelle (Chapitre II).

Il n’empêche que, malgré ces imperfections – dont Sébastien Bourquin est d’ailleurs tout à fait conscient –, l’auteur a su exploiter au mieux le matériel récolté pour donner, dans le cadre d’une micro-histoire tout à fait intéressante, un aperçu saisissant à la fois du commerce illégal de la chair dans la cité de Calvin du XIXe siècle finissant, mais aussi du contexte social et économique misérable dans lequel il se déroulait. Mieux, à l’absence de documents, Sébastien Bourquin a su substituer ses réflexions critiques et des hypothèses pertinentes, en particulier autour de la concurrence que se livraient prostitutions officialisée et clandestine dans la République. En résumé, un travail stimulant qui mériterait d’être complété un jour par une étude non plus locale, mais nationale sur la prostitution en Suisse à la «Belle Époque».

Citation:
Daniel Palmieri: compte rendu de: Sébastien Bourquin: Racoleuses et proxénètes. Prostitution clandestine à Genève à la fin du XIXe siècle. Neuchâtel, Éditions Alphil, 2008. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 59 Nr. 1, 2009, p. 150-151.

Redaktion
Veröffentlicht am
17.01.2012
Autor(en)
Beiträger
Redaktionell betreut durch
Kooperation
Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
Weitere Informationen
Klassifikation
Epoche(n)
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit