A.-J. Rapin: Jomini et la stratégie

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Titel
Jomini et la stratégie. Une approche historique de l’oeuvre


Autor(en)
Rapin, Ami-Jacques
Erschienen
Lausanne 2002: Edition Payot
Anzahl Seiten
336 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Valeria Pansini

Ami-Jacques Rapin présente son livre comme un outil de travail pour les lecteurs de Jomini, et non pas comme une étude sur le général suisse. Il inscrit dans ses buts une reconstitution ponctuelle des étapes de la publication des oeuvres de Jomini. Cette reconstitution est nécessaire au renouvellement des études sur le sujet, qui négligent souvent la richesse et l’extension de l’oeuvre pour se concentrer seulement sur ce qui de cette oeuvre émerge. Le «guide» que Rapin prépare est un moyen de parcourir la biographie intellectuelle de Jomini, en identifiant les tournants de sa pensée stratégique, enfin mis en relation avec les exigences pratiques qui ont marqué la parution des textes. Dans les intentions de l’auteur, il ne s’agit donc pas d’une simple bibliographie raisonnée, mais bien d’un moyen de soumettre la pensée de Jomini à des hypothèses d’interprétation nouvellement et solidement fondées, sur une histoire éditoriale très détaillée.

La première partie de l’ouvrage est donc consacrée aux écrits de Jomini. La richesse de détail et la précision presque philologique en font un outil de travail étonnant pour toute étude de la pensée du général suisse. On regrette que la reconstitution reste la plupart du temps à un niveau technique, et que les passages annoncés dans l’introduction entre l’histoire éditoriale et l’analyse des contenus soient en effet rares. Le chapitre VII, qui traite du Précis de l’Art de la Guerre, est l’exemple réussi: il montre clairement l’intention de l’auteur de sortir de la superficialité des lectures habituelles de ce célèbre texte, en construisant des bases solides pour l’analyse. On devine aussi une grande compétence sur les contenus de la pensée stratégique de Jomini, dont on aurait aimé profiter plus.

La deuxième partie se concentre sur les travaux sur Jomini et sur la réception de son oeuvre dans les différentes catégories concernées (les militaires, et en particulier les militaires suisses, les historiens). On y découvre que la personnalité de Jomini, son passage au service de la Russie en 1813, sa «moralité douteuse» (p. 151), n’ont pas servi la fortune de son oeuvre, et ont fait de lui un personnage difficile à célébrer, surtout dans son pays d’origine. Rapin suit de cette sorte le parcours intellectuel de son objet jusqu’à sa postérité. La démarche est intéressante, même pour des non-spécialistes du général, mais elle aurait été plus rigoureuse si l’auteur n’avait pas cédé à la tentation de défendre Jomini de ses accusations. Tous les chapitres du livre sont d’ailleurs marqués par une insistance sur les controverses, et les réponses parfois très hostiles de Jomini aux objections qu’on lui apporte; en absence d’une vision générale de la pensée stratégique du général suisse qui n’est pas l’objet de cet ouvrage, ces comptes-rendus de conflits alourdissent plus qu’ils n’éclaircissent.

La deuxième partie s’achève sur une comparaison entre Jomini et Clausewitz, comparaison inévitable, car toutes les études précédentes mettent en relation les deux pères fondateurs de la pensée stratégique contemporaine. Rapin considère les deux pensées comme complémentaires, quoique inconciliables. Il profite de cette évocation presque imposée pour mettre en évidence la différence de niveau ntre les analyses de Clausewitz, en particulier l’ouvrage majeur de Raymond Aron, et les études sur Jomini, parmi lesquelles manque une biographie scientifique. Aucune comparaison réelle n’est possible quand les niveaux d’analyses des objets sont si inégaux.

L’auteur de ce luxueux outil de travail pour les spécialistes de Jomini, complet comme une étude philologique, nous semble être la personne la plus adaptée pour s’occuper de cette biographie scientifique, dont il regrette tellement l’absence. La connaissance profonde des sources qu’il met en évidence nous le garantit. Une telle oeuvre, plus ample, lui permettrait sans aucun doute de montrer l’intérêt de l’étude de Jomini à un public plus vaste que celui des spécialistes déjà convertis.

Citation:
Valeria Pansini: compte rendu de: Ami-Jacques Rapin: Jomini et la stratégie. Une approche historique de l’oeuvre, Lausanne, Editions Payot, 2002. Première publication dans: Revue Suisse d’Histoire, Vol. 54 Nr. 2, 2004, p. 221-222.

Redaktion
Veröffentlicht am
19.12.2011
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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