G. Zimmermann: Buonaparte où est ta gloire ?

Titel
"Buonaparte où est ta gloire ?". Ce que l'on chantait en Suisse romande à propos de Napoléon entre 1793 et 1919.


Autor(en)
Zimmermann, Georges Denis
Erschienen
Neuchâtel 2005: Université de Neuchâtel
Anzahl Seiten
212 S.
Preis
ISBN
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Alain-Jacques Tornare

Autant le dire tout de suite, l’ouvrage s’adresse à un public averti et exigeant, tant son approche peut paraître austère. L’auteur connaît visiblement la musique et nous livre ici une partition impeccable, résultat de longues et patientes recherches. Les résultats sont passionnants. A relever d’abord l’originalité de la démarche : l’auteur a choisi d’examiner les échos et reflets des événements qui ont entouré l’Empereur des Français, par le biais des chansons, friche historique car terrain d’étude inexploré et sous-estimé. On croyait tout connaître de Napoléon et voilà qu’un chercheur – qui n’est d’ailleurs de son propre aveu pas historien – publie, semble-t-il à compte d’auteur, un ouvrage qui comble un vide important. L’auteur part de ce constat : si les chansons de la Révolution française ont été bien recensées, celles qui concernent Napoléon restent dispersées et sommairement répertoriées.

G.-D. Zimmermann brosse d’abord un tableau de la chanson à l’époque napoléonienne. Il aborde ensuite la chanson napoléonienne en terre romande. L’ouvrage s’appuie essentiellement sur le fonds Arthur Rossat à la Bibliothèque Nationale Suisse sur lequel l’auteur a travaillé dès 1980, ce qui donne à l’ensemble une dominante vaudoise. A retenir en particulier le chapitre IV qui pose une question incontournable : « Que pouvait-on dire en chantant Napoléon ? ». (p. 91-127) S’en suivent une description et une analyse du corpus romand de chansons sur le phénomène napoléonien. La qualité des annexes est étonnante. On trouvera ainsi en Annexe II (p. 176-185) un tableau synoptique rassemblant les occurrences relevées dans le corpus. Pour chaque chanson, l’auteur a noté le type de texte, l’attitude manifestée à l’égard de Napoléon, les motifs et rôles mobilisés, les thèmes traités et les valeurs illustrées. « En consultant ce tableau verticalement, on se fait une idée des possibilités d’expression et des sujets choisis par les auteurs des chansons ; horizontalement, on voit la combinaison propre à chacune d’entre elles » (p. 124). Pour mener à bien son étude, G.-D. Zimmermann distingue trois groupes : d’abord les chansons composées du vivant de Napoléon Bonaparte ; ensuite celles, hostiles ou favorables qui appartiennent à la Restauration et au temps de la Monarchie de juillet ; enfin celles qui sont apparues dans la seconde moitié du xixe siècle.

L’étude est d’autant plus intéressante que son sujet central, Napoléon, s’est évertué à mettre en scène sa vie, sa mort, son mythe et qu’il a à peu près tout contrôlé et transformé en objet de propagande que ce soit les arts ou la presse. Si la grande musique n’a pas peu contribué à sa glorification, la chanson, en dehors des chants officiels, n’a participé que partiellement à ce phénomène en raison du manque relatif d’intérêt de l’empereur pour celle-ci et par son caractère partiellement incontrôlable et volatile. Comme on peut s’y attendre, Napoléon a généré des chansons successivement dithyrambiques et hostiles. Le corpus de chansons rassemblé par G.-D. Zimmermann ne nous montre pas qui Napoléon était vraiment, même si on perçoit ça et là un Napoléon donnant de la voix autrement que pour donner un ordre ou prononcer une formule sentencieuse, montrant parfois sa vraie nature (p. 6-7, 9). Cet ouvrage nous restitue les réactions des gens au personnage fabriqué par la propagande. Dans certains cas, les chants parodient moins l’homme fascinant qu’ils ne mettent en exergue ses contradictions. Une chanson, comme la caricature, en dit parfois plus long qu’un texte et l’on voit au fil des chansons que le reflux impérial se manifestait en 1808 alors même que le régime ne semble pas encore à son apogée (p. 72). Sur le plan suisse, l’évolution de la chanson sur Napoléon en dit beaucoup plus sur notre propre évolution et notre rapport à la France que sur la transformation du mythe napoléonien. Même s’il reste présent en filigrane dans nombre de chants populaires, le créateur de la Suisse moderne en 1803 s’efface formellement après 1830. L’auteur remarque à ce sujet : « Dans la seconde moitié du siècle, il pouvait rappeler une phase gênante de soumission à une autorité extérieure, alors qu’on voulait exalter une identité nationale fondée sur la notion d’indépendance ; il n’y avait plus de place pour Napoléon dans l’histoire officielle » (p. 133). A ce titre on retiendra ce que nous apprend l’auteur sur la transformation et l’instrumentalisation du célèbre chant de la Bérézina par les contempteurs de la France issue de la Révolution qui ont créé La Gloire qui chante. (p. 53, 62, 73, 134, 199).

Un bémol toutefois : la sous-estimation du thème du déserteur qui ne fait l’objet que de quelques lignes page 107, alors qu’il est resté présent dans le chant gruérien jusqu’à nos jours.

L’histoire du chant sur Napoléon pourrait se résumer ainsi : Ils ont chanté Napoléon, déchanté ensuite, avant d’en réenchanter la légende.

Citation:
Alain-Jacques Tornare: compte rendu de: Georges Denis Zimmermann, «Buonaparte où est ta gloire ?». Ce que l’on chantait en Suisse romande à propos de Napoléon entre 1793 et 1919, Neuchâtel, 2005, 212 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 114, 2006, p.368-369.

Redaktion
Veröffentlicht am
26.05.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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