D. Birmingham: Château-d'Oex

Titel
Château-d'Oex. Mille ans d'histoire suisse.


Autor(en)
Birmingham, David
Herausgeber
Jacot-Wezranowska, Véronique
Reihe
La Mémoire du lieu
Erschienen
Lausane 2005: Edition Payot
Anzahl Seiten
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Georges Andrey

Plaisir de lire et de s’instruire ! Plaisir de voir et de savoir ! Voilà un livre remarquable au succès mérité. De fait, l’édition originale en anglais – « Switzerland : A Village History » (Macmillan Press LTD, London, 2000) – est épuisée, tandis qu’une autre est en préparation aux Etats-Unis. La traduction française, parue en 2005, s’est fait attendre, mais elle est soignée. Lisibilité et écriture doivent probablement beaucoup à « l’oeil de la romancière » Claudine Roulet. La bonne vulgarisation allie sérieux scientifique et facilité d’accès, solidité de l’information et suspense du récit. Elle fait foin de la pédanterie, explique en termes simples, se met à la portée du grand public. Le vrai savoir ne s’accommode pas de poudre aux yeux. L’illustration – 42 clichés noir-blanc de qualité – égaie, facilite l’intelligence des faits et donne à « voir » le texte. Les légendes souvent généreuses accompagnant les images sont rédigées avec précision ; elles ne sont pas remplissage, mais éclairage. Dans son Introduction, l’auteur, qui a vécu jeune sur place, explique en détail la genèse de son livre. Les nombreux amis et connaisseurs qui l’ont aidé et encouragé en font une oeuvre d’équipe. L’Avant-propos, sous la plume de Lucienne Hubler, relève que l’ouvrage conjugue avec bonheur histoire, géographie et ethnographie et qu’il présente des documents encore jamais analysés. C’est dire sa nouveauté.

Nouveauté par les faits. Par l’optique aussi. Birmingham, professeur d’histoire moderne à l’Université du Kent à Cantorbéry, a voulu, par le truchement d’une monographie locale (Château-d’Oex et sa vallée), révéler l’histoire de la Suisse aux Anglais. Il s’agissait donc, en partant du singulier, de s’élever au général, de passer du communal au national sans oublier – fédéralisme oblige – le cantonal. L’exercice était d’autant plus difficile qu’il fallait dépasser le primat traditionnel du politique pour le rattacher à une conception globale de l’histoire, insérer le vécu au quotidien dans la sphère générale du destin d’un Etat. En d’autres termes, il fallait à la fois élargir progressivement la dimension géographique et superposer les différentes strates des modes d’agir, de penser et de sentir d’un peuple suisse dont il convenait en même temps de respecter la diversité. En un mot, c’était vouloir montrer comment Château-d’Oex pouvait « dire » la Suisse, et ses habitants, les Damounais, symboliser les Suisses. On le devine, la démarche recelait un piège : celui de resservir au monde anglo-saxon le cliché séculaire de la Suisse éternellement bucolique, berceau tellien de la Liberté et gardienne fidèle d’une innocente neutralité.

L’auteur aime la Suisse tel un bon Damounais, mais garde ses distances, aidé en cela par son humour et son flegme anglais. En outre, il tient la gageure de combiner, en dix chapitres, le chronologique et le thématique, soit dans l’ordre : « La vallée des grues » (le moyen âge des comtes de Gruyère, vassaux de la Savoie), « Sous la patte de l’ours » (fin du moyen âge et emprise progressive de Berne dans le Gessenay), « Réforme et traditions » (xvie siècle, imposition lente de la nouvelle foi et résistances parfois opiniâtres au changement), « Le pays où coule le lait » (xviie et surtout xviiie siècles, économie pastorale, décrite avec une rare maîtrise, et âge d’or – sans connotation biblique en dépit du titre donné à ce chapitre – de ses barons du fromage, ici illustrés par le banneret Samuel Henchoz), « Foires et marchés » (commerce de proximité mais aussi contacts avec le monde extérieur et la modernité), « Le drapeau vert de la liberté » (l’accès sans enthousiasme à l’indépendance vaudoise sous l’action de la Révolution française, contrecarrée par le prestige du très conservateur doyen Bridel, pasteur de la paroisse), « Bûcherons, bouchers et boulangers » (l’après-âge d’or du fromage, l’essor de l’industrie du bois et de l’élevage du bétail de boucherie, la pérennité du pain associée à la transition alimentaire de l’orge au froment), « L’école et les mutations sociales » (du xvie au xxe siècle, avec l’affirmation de la langue française dès la lecture obligatoire de la Bible, la résistance invincible au dialecte bernois et l’effacement lent du parler franco-provençal), « L’idylle alpestre » (xixe siècle romantique, passage à une économie mixte alliant agriculture de montagne, tourisme et hôtellerie de luxe pour riches Anglais attirés dans la vallée par le train aux confortables voitures pullman), enfin « Dans l’ombre de la guerre » (xxe siècle ou comment échapper aux deux conflits mondiaux, ruser avec la neutralité sans trop se compromettre, accueillir avec bonhomie, à Château-d’Oex même, les internés britanniques et abriter – dans la vallée et non plus à Bâle – la Banque des règlements internationaux (BRI), ses bureaux discrets et ses secrets négociateurs germano-anglo-américains, etc.). L’ouvrage s’achève par un imposant appareil critique, dont – relevons-le – une description détaillée des sources, à même de combler la curiosité des historiens professionnels.

Citation:
Georges Andrey: compte rendu de: David Birmingham, Château-d'Oex. Mille ans d'histoire suisse, Lausanne: Editions Payot, coll. La Mémoire du lieu, 2005, 278 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 114, 2006, p.346-347.

Redaktion
Veröffentlicht am
25.05.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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