Cover
Titel
A Tires d'ailes, contributions de Hans Ulrich Jost à une histoire critique de la Suisse.


Herausgeber
coll.
Erschienen
Lausanne 2005: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
612 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Gérard Delaloye

Rien décidément ne peut être fait dans le droit de fil de la tradition quand il s’agit de Hans Ulrich Jost. Ainsi, quand il fut nommé à la chaire d’histoire contemporaine et suisse de l’Université de Lausanne en 1981, sa venue suscita plus que des crispations et des résistances dans certains milieux, y compris dans la rédaction de la Revue historique vaudoise. Aujourd’hui, alors qu’atteint par l’âge de la retraite, il se retire sur la pointe des pieds, ses ancien(ne)s étudiant(e)s (ils sont quatorze en l’occurrence) renoncent aux classiques « Mélanges offerts à … » pour regrouper en un impressionnant volume trente-six articles glanés dans diverses revues européennes qui les avaient publiés aussi bien en français qu’en allemand, en anglais ou en italien. L’affaire ne fut pas simple. Le comité éditorial dut rechercher les articles, les regrouper par thèmes, puis faire des choix et traduire certains textes.

Pour rendre compte de la grande diversité des thèmes abordés par Hans Ulrich Jost au cours de ses recherches, les éditeurs ont délimité six grands domaines : 1) esthétique et espaces bourgeois ; 2) sociabilité et fait associatifs ; 3) la Suisse, son historiographie et ses intellectuels ; 4) histoire et culture politiques ; 5) état, société et économie ; 6) la Suisse et ses relations extérieures. Pour corser le défi et bien administrer la preuve que rien n’est définitif, les articles regroupés dans ces grandes sections sont présentés dans un ordre chronologique pour permettre de saisir la pensée de l’historien dans son évolution.

Cette diversité est à l’image de l’homme. Avant d’imposer sa marque à la chaire d’histoire de l’UNIL, Jost a étudié la philosophie, la sociologie et l’histoire à Berne. Une telle polyvalence ouvre large les yeux sur les activités humaines. Mais le professeur-chercheur ne s’est pas cantonné aux activités intellectuelles : passionné d’aviation, il a, dès son jeune âge, décidé de devenir pilote, objectif brillamment atteint puisqu’il sera un des rares soldats de milice à piloter un Mirage ! D’où le clin d’oeil que lui adresse le titre de l’ouvrage, A Tire d’ailes.

On retrouve cette aptitude au survol véloce et génial dans certaines analyses de l’historien. Ainsi, sa leçon inaugurale prononcée le 3 février 1983 et intitulée « Un juge honnête vaut mieux qu’un Raphaël. Le discours esthétique de l’Etat national » 1). Il fallait du cran pour aborder de front l’une des questions les plus disputées par les intellectuels suisses depuis la désormais lointaine fondation de la Société Helvétique au milieu du xviiie siècle ! Volant allègrement d’un constat de H. C. Escher de la Linth (« Un juge honnête vaut mieux qu’un Raphaël ») à une notation de Max Frisch dans son Journal (« La culture se confond chez nous avec l’exploit civique »), Jost dévoile l’usage que l’Etat fédéral, ses partis et leurs idéologies, firent de la culture dans la seconde moitié du xixe siècle pour forger, grâce à un Ferdinand Hodler par exemple, un esprit national. Et il prend acte de l’échec :

« L’Etat fédéral, bien que préconisé comme une des formes du Kulturstaat, n’a pas su réaliser ce concept. Contraint par les lois de l’économie capitaliste, qui est en dernière instance aussi une des bases de l’Etat fédéral, l’espace esthétique de l’Etat en fut réduit à un simple domaine de marchandage et de spéculation culturelle. »

D’entrée de jeu ce constat d’échec en des termes peu académiques marque la distance prise par l’historien par rapport à son objet. Les vives polémiques suscitées par la contribution de l’auteur à la Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses dans laquelle il dévoile en partie nos compromissions avec les nazis délimiteront le champ d’une contestation dont la portée n’avait pas échappé à la droite des années 1980. Ses recherches en histoire politique, sociale, économique, culturelle ont conduit Hans Ulrich Jost à remettre en cause les mythes apparemment les plus éprouvés, qu’il s’agisse de la neutralité dont la fiction après lecture d’un article tel que « L’avenir à reculons. Les mythes éculés ont la vie dure » 2) n’est plus niable ou de la concordance politique étrillée dans « Critique historique du consensus politique » 3), texte dans lequel il montre les conséquences néfastes et mortifères de l’intériorisation des conflits.

La richesse conceptuelle des articles réunis dans ce volume, jointe à celle des ouvrages déjà publiés chez divers éditeurs, donne la mesure d’une carrière de chercheur. Mais Jost a aussi laissé son empreinte comme enseignant. On peut le vérifier en parcourant la liste des cours, séminaires de recherche et de 3e cycle qu’il a organisés 4). De surcroît, comme chercheur ou comme professeur, il a encore trouvé le temps de patronner des publications (thèses ou mémoires) dont le nombre toujours croissant a fini par constituer une partie importante, essentielle même, du catalogue des Editions Antipodes.

1) P. 17-40. Première publication dans Etudes de Lettres, N° 1, 1984, p. 49-73.

2) P. 549-555. Première publication dans la Berner Zeitung du 2 oct. 1999.

3) P. 367-392. Première publication dans Traverse, 3, 2001.

4) P. 591-597

Citation:
Gérard Delaloye: compte rendu de: A Tires d'ailes, contributions de Hans Ulrich Jost à une histoire critique de la Suisse, Lausanne: Éd. Antipodes, 2005, 612 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 114, 2006, p.345-346.

Redaktion
Veröffentlicht am
25.05.2010
Beiträger
Redaktionell betreut durch
Kooperation
Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
Weitere Informationen
Klassifikation
Epoche(n)
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit