: I villaggi alpini. Le identità nazionali alle grandi esposizioni. Torino 2011 : Torino editore, ISBN 978-88-7376-051-1

: L’impressione del colore: montagne in fotocromia, 1890-1910. . Torino 2012 : Torino editore, ISBN - 251 S.

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François Walter

En 2011 et 2012, successivement deux expositions d’un intérêt majeur, notamment pour la Suisse, ont été présentées au Museo nazionale della montagna de Turin. Magnifiquement situé sur le Monte die Cappuccini avec une vue sur la chaîne alpine, ce musée a acquis une réputation internationale et montre régulièrement des expositions dont le champ très vaste concerne l’ensemble de l’arc alpin et même, au-delà, les montagnes du monde. Le Club alpin italien a été à l’origine de cette institution culturelle et c’est lui aussi qui, pour contribuer à la célébration du 50e anniversaire de l’Unité italienne, avait proposé en 1911 d’édifier à Turin un village alpin reconstitué. Cette initiative s’inscrivait dans le cadre de la grande exposition internationale de Turin 1911 dont l’objectif était avant tout de montrer les réalisations de l’industrie italienne. L’exposition de 2011 commémore donc aussi cet anniversaire.

Depuis le milieu du 19e siècle, les expositions internationales ont joué un rôle important de vitrines de la modernité pour permettre aux différentes nations organisatrices de se situer dans la compétition mondiale. En 1911, ce n’est pas la première fois que ce type d’attraction est intégré à une grande exposition. Déjà à Turin, lors de l’Exposition générale italienne de 1884, avait été reconstitué un bourg médiéval dans le parc du Valentino le long du Pô. On y trouvait également un ensemble de constructions alpines, dont un refuge de montagne. Ce sont là les premières occurrences du genre que l’on va ensuite trouver dans la plupart des grandes expositions, à Chicago en 1893, à Prague en 1895. Lors de l’exposition nationale de Genève en 1896, le «village suisse» remporte un succès extraordinaire et déclasse totalement une autre attraction exotique, le «village nègre» peuplé d’authentiques indigènes venus du Soudan. Ensuite, la recette à succès du village a été reprise à Leipzig en 1897, à Paris en 1900, à Saint-Louis en 1904, à Lyon en 1914 (reconstitution d’un bourg du Queyras), à Grenoble en 1925 (le village mythique de Saint-Véran considéré faussement comme la commune à peuplement permanent le plus élevé d’Europe). La fin du 19e siècle s’inscrit bien dans ce processus d’«invention de la tradition» dont parlait l’historien britannique Eric Hobsbawn: par la mise en scène du passé, les sociétés s’efforcent d’affirmer leur continuité avec une histoire soigneusement sélectionnée afin d’inculquer à la population les valeurs nationales et favoriser l’identification avec la communauté. On comprend aisément que ces villages n’ont rien de commun avec les attractions que l’on peut voir aujourd’hui encore dans le Disneyland californien et son impressionnant faux Cervin.

Le catalogue du Musée national de la montagne comporte un certain nombre de textes introductifs. Celui de Silke Haps est particulièrement utile car cette spécialiste d’histoire de la construction attire notre attention sur les aspects techniques de la réalisation des villages artificiels. Éphémères la plupart du temps, les édifices ont été conçus selon les techniques les plus modernes avec des matériaux légers, des structures en treillis métalliques ainsi que l’usage du béton, le tout recouvert de bois. L’électrification fait partie intégrante de ces villages soi-disant traditionnels, permettant ainsi d’installer des ascenseurs, petits trains, funiculaires sur les montagnes factices ou de pomper l’eau des cascades. Le décor est particulièrement soigné. On perfectionne à cet effet la technique des anciens panoramas ou dioramas alpestres par des effets en 3 dimensions, de la musique, des jeux de lumière et même parfois l’usage de la glace artificielle.

Le catalogue est richement illustré et comporte, il faut le souligner, de très nombreux documents inédits (photographies, cartes postales, chromolithographies, photochromes, etc.). Une série de notices présentent chacune des expositions où ont été édifiés des villages avec de nombreuses références bibliographiques et des informations techniques.

En 2012, le même musée a ensuite consacré une exposition à son étonnante collection de photochromes. Comme l’explique en ouverture du catalogue Bruno Weber, directeur de la collection graphique de la bibliothèque centrale de Zurich, la mise au point de techniques aptes à reproduire des dessins avec de la couleur est une constante de la recherche graphique depuis le 16e siècle. Dans son article, cet auteur détaille 18 techniques différentes depuis les estampes coloriées à la main des oeuvres de Dürer jusqu’à la granolithographie contemporaine. Au 18e siècle, la gravure à l’eau-forte aux contours colorés a permis à des ateliers de petits maîtres comme celui de Johann Ludwig Aberli à Berne de prendre une place en vue dans l’industrie graphique pour diffuser des estampes de paysages suisses mais aussi de réaliser le fameux recueil sur les volcans du royaume de Naples de William Hamilton. Rien de comparable toutefois avec la technique industrielle de la photochromie.

À partir du milieu du 19e siècle, en effet, la photographie bouleverse le rapport au paysage et aux monuments. Les premières prises de vue au daguerréotype sont uniques avant que l’on trouve le moyen de dupliquer facilement l’image. Mais celleci demeure en noir blanc. Ce n’est que durant les années 1880 qu’un procédé est mis au point pour reporter photographiquement le négatif unique original sur des planches à imprimer lithographiques ou chromographiques qui peuvent ensuite supporter successivement différentes couleurs. La démarche est compliquée, nécessite plusieurs interventions manuelles du lithographe et peut durer plusieurs jours. La maison Orell Füssli de Zurich fut l’une des premières à breveter son procédé en 1888 et à déposer la marque «Photochrom» en 1889. C’est un employé génial, Hans Jakob Schmid, qui l’a mis au point en recourant au bitume de Judée, une pierre photosensible lorsqu’elle est exposée à la lumière. Pour la commissaire de l’exposition de Turin, Veronica Lisino, dont l’article explique en détail les techniques de la photochromie, la voie est ouverte à la «marche triomphale» de l’image colorée. C’est qu’Orell Füssli a compris l’intérêt commercial de la nouvelle technique. La firme organise à l’échelle mondiale la collecte des négatifs, envoie des photographes compléter les collections, les colorise en Suisse et diffuse les images disponibles. En 1914, le catalogue de l’entreprise propose quelque 30.000 sujets concernant 45 pays. Le marché du tourisme fortuné est alors à son apogée et les photochromes d’Orell Füssli sont largement vendus comme souvenirs sur les paquebots de luxe, par les compagnies de chemins de fer et les agences de voyage. Des succursales de l’imprimeur zurichois sont installées à l’étranger, à Détroit, à Londres.

La Suisse est donc au coeur du développement de l’industrie graphique avec la colorisation des photographies qui lancent la mode de la carte postale. Le catalogue présente magnifiquement plus de 140 photochromes en pleine page soit près de la moitié de la collection turinoise; l’autre moitié est également publiée en très petit format mais d’une qualité suffisante à se faire une idée des sujets qui intéressaient l’industrie graphique. Chaque image est accompagnée d’une fiche technique avec notamment la datation précise et les inscriptions portées sur le cliché. Il s’agit avant tout de paysages de montagne et de vues urbaines. On y trouve toute la gamme des paysages suisses avec leurs sommets, glaciers, lacs, cascades, funiculaires, villages alpestres et hôtels. Mais on découvre aussi les paysages des lacs subalpins, du Tyrol, de la vallée d’Aoste et du Vorarlberg. Les parcs nationaux des États-Unis (le fameux Yellowstone) y sont représentés comme des paysages des fjords norvégiens et des îles Lofoten ainsi que quelques vues du Darjeeling. L’autre type très représenté dans la collection est la vue de ville avec des portraits de Turin, de Naples et d’étonnants clichés de Sarajevo. Les prises de vue ethnographiques avec des scènes de rue ou des portraits sont plus rares (des paysans du Tyrol, le marché de Sarajevo ou une famille indienne). L’intérêt historique de toutes ces images est considérable puisqu’il s’agit de photographies de sites naturels et urbains en général totalement transformés depuis la fin du 19e siècle (par exemple les vues surprenantes de Zermatt ou de Chamonix). La valeur artistique doit être soulignée car non seulement le photographe soignait la mise en scène, d’où le caractère figé des personnages, mais surtout la colorisation relève de l’appréciation du chromolithographe qui choisit ses couleurs. Les teintes appartiennent à la gamme des pastels avec dominante de bleus et de verts. Et surtout, le détachement des objets et personnages sur le fond paysager leur donne un relief très particulier et une netteté quasi picturale. C’est ce qui fait le charme immense de ces documents.

Après la Première Guerre mondiale, la vogue des images colorées décline. Il faut compter sur le développement des appareils de photos compacts facilement maniables grâce à la pellicule souple, dont la marque Kodak est l’initiatrice. Désormais, le touriste amateur va pouvoir prendre ses propres images notamment en couleurs. Cela est possible dès avant la guerre mais sera vraiment accessible dans les années 1930. La photochromie a donc vécu et survit heureusement chez les collectionneurs.

Zitierweise:
François Walter: Recensione di: I villaggi alpini: le identità nazionali alle grandi esposizioni a cura di Alessandro Pastore Torino, Museo nazionale della montagna “Duca degli Abruzzi” − CAI-Torino editore, 2011. Prima pubblicazione in: Archivio Storico Ticinese, Vol. 153, pagine 134-136.

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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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