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Zeitgeschichte (nach 1945)

T. Ricciardi: Associazionismo ed emigrazione

Barcella, Paolo </>
 
Autor(en):
Titel:Associazionismo ed emigrazione. Storia delle Colonie Libere e degli Italiani in Svizzera
Ort:Roma
Verlag:Laterza
Jahr:
ISBN:9788858106280
Umfang/Preis:308 S.

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Paolo Barcella
E-Mail: </>

La Fédération des Colonies Libres Italiennes en Suisse fut fondée en 1943, par des exilés italiens déjà actifs dans les associations politiques italiennes antifascistes à partir de 1927, lorsqu’ils avaient l’objectif de « contenir l’action que le Fascisme s’était fixée, c’est-à-dire de gagner la faveur des émigrés pour en faire un soutien à sa politique étrangère » (Ricciardi, p. 14). Si, pendant la deuxième guerre mondiale, l’organisation avait appuyé la cause antifasciste, après la guerre, avec la reprise des flux migratoires vers la Confédération, elle a connu un nouvel essor et elle s’est dotée d’une structure en mesure de répondre aux besoins de la communauté italienne émigrée.

Le livre de Toni Ricciardi a le mérite d’être un des rares travaux en langue italienne traitant ce sujet qui, en Italie, est connu seulement par un petit cercle de spécialistes. De même, l’histoire de l’émigration italienne en Suisse n’a pas été étudiée avec la même attention que celle accordée à d’autres pays, même si les émigrés italiens en Suisse se comptent en centaines de milliers.

Un deuxième mérite du travail de Ricciardi est celui de mettre en évidence que les Italiens en Suisse n’ont pas seulement été des victimes passives de l’exploitation et n’ont pas été non plus des travailleurs infatigables et prêts à tout pour gagner de l’argent à ramener rapidement en Italie. Ricciardi raconte l’histoire d’une participation passionnée à la vie publique et politique, rendue compliquée et controversée par l’opposition du gouvernement helvétique, qui a essayé de la limiter à travers la surveillance, le contrôle et la répression, fort du décret du 24 février 1948 qui entravait la participation des immigrés saisonniers et annuels aux activités politiques ou syndicales. Ricciardi contribue donc à déconstruire un stéréotype invétéré en Italie, en montrant que les travailleurs italiens étaient aussi des individus capables de s’organiser et de combattre pour leurs droits. Comme il ressort de l’ouvrage, ces émigrés trouvèrent dans les Colonies libres un « laboratoire vraiment démocratique » (p. 30) avec une structure complexe et des objectifs politiques forts mais qui, à la fois, était très inclusifs. Les responsables des Colonies agirent avec intelligence et attention, en gardant une attitude réaliste et orientée aux meilleurs résultats possibles pour leur communauté.

En dépit de ces mérites, le livre de Ricciardi présente quelques limites et problèmes. D’abord, bien que le livre contribue à la déconstruction d’un stéréotype en narrant l’histoire de l’activisme et de l’organisation d’une partie de la communauté émigrée, il risque de succomber à d’autres stéréotypes quand il raconte l’histoire des Italiens en Suisse. La sienne, en effet, est principalement une histoire au masculin. Pendant qu’il réfléchit, justement, sur la composition de la main d’œuvre italienne par origine régionale, secteur d’activité, lieu d’établissement, son analyse ne tient pas compte de manière adéquate de la variable de genre. La présence des femmes italiennes émigrées en Suisse de leur propre initiative (et non pas en raison du regroupement familial) fut en effet très importante jusqu’à la fin des années Cinquante.[1] S’il avait pris cela en compte, Ricciardi aurait pu d’un côté rendre plus complète la quantification du phénomène, et, de l’autre, esquisser un cadre différent de l’expérience migratoire en Suisse, des problèmes qui se posaient pour ceux qui l’ont vécue et, en définitive, de l’associationnisme. Même quand il fait allusion à la littérature d’émigration et à la production culturelle des Italiens en Suisse, Ricciardi reprend principalement des histoires au masculin (comme celles racontées par Alvaro Bizzarri ou Fiorenza Venturini) tandis qu’il ne considère pas la production des femmes qui ont écrit des histoires de femmes (comme Luisa Moraschinelli ou Marie-Rose de Donno).[2] Peut-être pour cette raison, Ricciardi reproduit une formule narrative qui donne beaucoup d’importance aux histoires de fatigue, de douleur et de souffrance, bien sûr nombreuses et présentes, mais qui ne raconte pas les histoires des Italiens qui, même sans être membres des Colonies, ont trouvé dans l’émigration une expérience d’émancipation économique et culturelle. De ce point de vue, le livre perd partiellement en originalité, en adhérant en partie aux modèles narratifs des textes et des œuvres produits dans les années proches du phénomène migratoire, lorsque le besoin de polémique et de dénonciation était très fort. Il s’agit d’ailleurs de documents auxquels Ricciardi fait souvent allusion, comme Nudi col passaporto de Fiorenza Venturini, Elfenstrasse 14. Sportello emigrazione de Liliana Fuggi ou les documentaires d’Alvaro Bizzarri.

De plus, Ricciardi distingue justement l’ancienne émigration septentrionale, arrivée avant la fin des années Cinquante, de la nouvelle émigration méridionale, devenue majoritaire dans les années suivantes. Mais on dirait que les différences entre les deux flux sont très accentuées là où, par exemple, Ricciardi identifie dans l’ancienne émigration des gens avec une formation professionnelle et dans la nouvelle des gens avec peu ou aucune formation (pp. 129-140). Bien que l’ancienne émigration comprît un certain nombre de travailleurs qualifiés provenant des grandes entreprises du Nord Ouest de l’Italie, avec eux ont émigré de nombreux paysans et paysannes du Nord Est sans formation professionnelle, avec un bas niveau de scolarisation, engagés pour travailler dans l’agriculture, le bâtiment, les travaux domestiques, les mines ou les bois.[3] La représentation d’une distance décisive entre les Italiens du Sud et les Italiens du Nord dans les attitudes professionnelles a été consolidée dans les années suivantes par plusieurs facteurs. D’abord, au début des années Soixante-dix, les émigrés méridionaux étaient effectivement plus nombreux dans les cours de formation professionnelle organisés en Suisse pour les Italiens, où ils dépassaient parfois 65% des inscrits. Pourtant, comme le soutenait une enquête de l’ECAP-Suisse de 1974, il fallait tenir compte du fait que l’émigration septentrionale était plus ancienne, donc déjà stabilisée et moins en demande de formation, surtout à cause de son âge.[4] De plus, à la construction du stéréotype contribuèrent les contrapositions idéologiques à l’intérieur de la communauté italienne et la xénophobie anti-méridionale des septentrionaux qui essayaient de se distinguer des émigrés du Sud.

Pour terminer, l’analyse du rôle des Colonies Libres dans le cadre général de l’associationnisme italien en Suisse aurait pu être mieux développée. Bien que le texte fasse allusion à plusieurs reprises aux rapports instaurés entre les Colonies Libres, les autres associations et les organisations de travailleurs des deux pays, il aurait été utile de clarifier certains aspects, par exemple leurs relations avec les organisations d’inspiration socialiste et communiste. De cette façon, on aurait clarifié l’idéologie et les références théoriques des militants des Colonies, que Ricciardi essaie de déterminer seulement sur la base de la recherche des liens formels avec le Parti Communiste Italien.

[1] Etienne Piguet, L’immigration en Suisse depuis 1948 – Contexte et conséquences des politiques d’immigration, d’integration et d’asile, in Hans Mahnig (dir.), Histoire de la politique de migration d’asile et d’integration en Suisse depuis 1948, Seismo, Zurigo, 2005 ; Cristina Allemann-Ghionda e Giovanna Meyer Sabino, Donne italiane in Svizzera, Locarno, Armando Dadò, 1992.
[2] Marie-Rose De Donno, L’italienne. Histoire d’une vie, camPoche, Orbe, 2003; Giovanna Meyer Sabino, Scrittori allo specchio. Trent’anni di testimonianze letterarie italiane in Svizzera: un approccio sociologico, Monteleone, Vibo Valentia, 1996; Luisa Moraschinelli, L’albero che piange. Testimonianze d’emigrazione in Svizzera (1953-1976), Bonazzi, Sondrio, 1994.
[3] Etienne Piguet, L’immigration en Suisse depuis 1948 : un analyse des flux migratoires, Zürich, Seismo, 2005; Mauro Cerutti, Un secolo di emigrazione italiana in Svizzera (1870-1970), attraverso le fonti dell’Archivio federale, in “Studi e fonti”, 20, 1994, 11-141; Franco Pittau, Emigrazione italiana in Svizzera. Problemi del lavoro e della sicurezza sociale, Milano, Franco Angeli, 1984. A propos de la formation professionnelle des italiens en Suisse: Claudio Bolzman, Rosita Fibbi, Marie Vial, Secondas-Secondos. Le processus d’intégration de jeunes adultes issus de la migration espagnole et italienne en Suisse, Seismo, Zurigo, 2003 ; Edo Poglia, Anne-Nelly Perret-Clermont, Armin Gretler, Pierre Dasen, Pluralité culturelle et éducation en Suisse. Etre migrant II, Peter Lang, Bern, 1994; Armin Gretler, Ruth Gurny, Anne-Nelly Perret-Clermont, Edo Poglia, a cura di, Etre migrant. Approches des problèmes socio-culturels et linguistiques des enfants migrants en Suisse, Peter Lang, Bern, 1989.
[4] I caratteri dell’emigrazione presente ai corsi ECAP-CGIL sede Svizzera, Archivio di stato di Bellinzona, Fondazione Pellegrini Canevascini 41, Fondo Ecap, Parte B, Scatola 21.

Zitierweise Paolo Barcella: Rezension zu: Toni Ricciardi: Associazionismo ed emigrazione. Storia delle Colonie Libere e degli Italiani in Svizzera. Roma, Laterza, 2013. <http://hsozkult.geschichte.hu-berlin.de/infoclio/id=20907>