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Frühe Neuzeit

S. Boscani Leoni (Hrsg.): Wissenschaft – Berge – Ideologien

 

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Titel:Wissenschaft – Berge – Ideologien. Johann Jakob Scheuchzer (1672-1733) und die frühneuzeitliche Naturforschung
Herausgeber:Boscani Leoni, Simona
Ort:Basel
Verlag:Schwabe Verlag
Jahr:
ISBN:978-3-7965-2591-9
Bemerkungen:ital. Titel: Scienza – montagna – ideologie. Johann Jakob Scheuchzer (1672-1733) e la ricerca naturalistica in epoca moderna
Umfang/Preis:352 p.

Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
François Walter
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La personnalité de Scheuchzer et son oeuvre font l’objet depuis quelques années d’un regain d’intérêt avecles travaux déjà publiés de Irmgard Müsch, Robert Felfe, Michael Kempe. Ses écrits demeurent cependant peu accessibles aux non germanophones si l’on excepte les traductions récentes de fragments (sur les fossiles et le déluge) publiées par Geneviève Bouillet. C’est donc avec grand intérêt que l’on lira les dix-sept contributions issues du colloque international organisé par le Laboratoire d’histoire des Alpes de Mendrisio au Monte Verità en avril 2007. La majorité sont rédigées en allemand mais six ont été écrites en italien. Elles ont été réunies par Simona Boscani Leoni de l’université de Heidelberg, qui est aujourd’hui l’une des meilleures spécialistes de l’histoire culturelle des sciences de l’Ancienne Confédération. Elle anime par ailleurs un projet de recherche important qui mettra en ligne, à disposition des chercheurs, la correspondance de Scheuchzer. Le livre est agrémenté de très nombreuses reproductions des dessins du savant, des gravures qu’il a utilisées dans ses livres et des fossiles qu’il a lui-même collectionnés.

Le grand érudit zurichois est finalement très peu connu alors qu’il a joué un rôle essentiel en lançanten 1699 son fameux questionnaire de 200 items destiné à sensibiliser ses contemporains à l’observation des Alpes. Médecin de formation, il est très représentatif des curiosités multiples que manifestent les savants au temps de ce qu’on a appelé la «révolution scientifique» du tournant du xVIIIe siècle. Son réseau intellectuel est impressionnant, sa correspondance révélant plus de 800 correspondants dans les cantons suisses et dans toute l’Europe. Après des études en Allemagne et aux Pays-Bas, il s’est fixé à Zurich, ville où il est né. Il y fait toute une carrière, culminant avec sa nomination de professeur au Carolinum, la célèbre académie d’une ville qui se targue de constituer une sorte d’Athènes de la Limmat, tant le climat culturel est propice aux arts et aux sciences. Comme naturaliste, Scheuchzer fait le lien entre la science du temps de la Réforme – au xVIe siècle, elle a marqué les débuts de la recherche sur le terrain, en particulier dans les Alpes –, et l’épanouissement des connaissances au siècle des Lumières, fondé sur l’empirisme et l’expérimentation. Scheuchzer a lui même multiplié les déplacements dans les montagnes, bardé d’équipements de mesure pour étudier les effets de l’altitude. Ses récits d’expédition (connus sous le nom d’Itinera alpina) sont des sources précieuses pour l’étude de l’Ancienne Confédération.

Très marqué par la physicothéologie, Scheuchzer inscrit ses recherches scientifiques dans un contexte où science et religion se complètent. L’objectif est bien de mieux savoir lire le «grand livre de la Nature» de même qu’on s’attache à comprendre la Bible, livre de la vérité révélée. C’est pourquoi, par exemple, la collecte des fossiles vient conforter le récit biblique du déluge, les montagnes n’étant en définitive que les vestiges de la grande catastrophe qui a façonné le paysage de la terre.

Scheuchzer est également l’initiateur d’un intérêt nouveau pour les populations locales, ces «indigènes» dont on fera bientôt un type humain (l’homo alpinus). Il s’agit de mettre en évidence les spécificités du peuple des Alpes, dont le goût constitutif pour la liberté serait lié aux conditions environnementales voire même à la consommation des produits laitiers dans un pays où l’élevage est l’une des activités essentielles (le peuple des bergers). Ces liens entre un pays, une patrie et un paysage apparaissent comme une construction idéologique que mobilisera largement le sentiment national naissant à la fin du xVIIIe siècle.
Le colloque de 2007 n’avait pas la prétention de revisiter toutes les facettes de l’oeuvre. On retiendra donc surtout la première partie du volume (9 contributions) plus spécifiquement consacrée à illustrer quelques aspects de la personnalité du savant. Paola Giacomoni a relu sa Physica sacra, traité de physicothéologie des années 1730 qui comporte de remarquables planches gravées. L’oeuvre revalorise la place de la Suisse dont la variété des paysages et des productions naturelles devient une sorte de synthèse de ce que la Nature a produit en Europe. Ezio Vaccari rappelle l’importance des théories diluviales dans la pensée du Zurichois. Monika Gisler explique comment, pour la pensée théologique de l’époque, même des phénomènes comme les tremblements de terre ont leur place dans la construction harmonique voulue par le Créateur. urs B. Leu signale le caractère innovateur des recherches paléontologiques en relevant la méprise de Scheuchzer qui a cru retrouver le squelette d’un homme prédiluvien. Robert Felfe donne un éclairage précieux à propos de l’étonnante collection de collages signés «Arcanam fecit». Cette appellation désigne Scheuchzer lui-même dans le monde savant du xVIIIe siècle. Claude Reichler situe l’imaginaire baroque du savant zurichois dans un contexte plus large en comparant avec l’iconographie géologique d’Athanasius Kircher, observateur d’une éruption de l’Etna en 1630. La contribution de Michael Kempe révèle un aspect totalement inédit de l’activité du médecin lors de la guerre de Villmergen en 1712. Cette première partie du livre se termine avec deux contributions qui donnent une profondeur thématique aux préoccupations scientifiques et aux positions idéologiques répercutées par Scheuchzer. C’est ce que fait remarquablement Thomas Maissen en expliquant la portée idéologique de l’image des Alpes dans la construction identitaire des cantons suisses tant du côté catholique que réformé. une réflexion que prolonge Guy P. Marchal en étudiant la réception du mythe alpestre initié par Scheuchzer jusqu’au xxe siècle. La deuxième partie de l’ouvrage comporte toute une série disparate de communications qui n’ont qu’un rapport très lointain avec la thématique du colloque et le titre du livre. On se demande quel lecteur aura l’idée de chercher un texte sur l’alpinisme en Italie à la fin du xIxe siècle dans un volume consacré à Scheuchzer! Regroupées sous le titre «Scienze naturali e montagna dal Cinquecento all’Ottocento», ces articles ont certes leur intérêt mais on comprend mal la cohérence de cette partie dont seule la contribution de Christian Sieber qui analyse les liens intellectuels entre Scheuchzer et Aegidius Tschudi, découvreur des Alpes au xVIe siècle enrichit l’objet premier du colloque de 2007. un problème de cohérence que les organisateurs n’ont semble-t-il pas vraiment maîtrisé.

Zitierweise François Walter: Compte rendu de: Simona Boscani Leoni (a cura di), Wissenschaft – Berge – Ideologien: Johann Jakob Scheuchzer (1672-1733) und die frühneuzeitliche Naturforschung / Scienza – montagna – ideologie: Johann Jakob Scheuchzer (1672-1733) e la ricerca naturalistica in epoca moderna, Basel, Schwabe Verlag, 2010. Première publication dans: Archivio Storico Ticinese, Nr. 150, 2011, p. 313-314. <http://hsozkult.geschichte.hu-berlin.de/infoclio/id=19402>
 
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