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Neuere Geschichte

J.-M. Ticchi: Le Voyage de Pie VII à Paris

 

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Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 108, 2014, S. 509-510.
Autor(en):
Titel:Le Voyage de Pie VII à Paris pour le sacre de Napoléon (1804–1805). Religion, politique et diplomatie
Ort:Paris
Verlag:Honoré Champion
Jahr:
ISBN:978-2-7453-2493-1
Bemerkungen:préface de Jacques-Olivier Boudon
Umfang/Preis:599 S.

Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Vincent Petit, Strasbourg
E-Mail: <vincent.petit.vincentgmail.com>

Ceux qui s’arrêteraient au seul titre de l’ouvrage de J.-M. Ticchi ou à sa taille conséquente pourraient s’interroger sur l’intérêt de lire cette publication, à moins de goûter, comme les amateurs de chocolat, une érudition pure de tout autre ajout. En réalité, ce volume qui puise à des sources françaises et italiennes peu connues (la quatrième partie fournit une présentation exhaustive de la recherche) donne à réfléchir sur les dynamiques du catholicisme romain du XIXe siècle, mais aussi sur ce qu’est, in vivo, le magistère pétrinien à l’ère contemporaine.

Comme l’écrit Jacques-Olivier Boudon dans la préface, le voyage de Pie VII en France est réduit très souvent à son prétexte, à savoir le sacre de Napoléon en la cathédrale de Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804. L’événement en lui-même est peu traité par l’auteur, qui tient surtout à faire mieux connaître les 196 jours qu’a duré ce périple – du 2 novembre 1804 au 16 mai 1805 (le chapitre 5 consacré à Rome en l’absence de son souverain constitue un excursus bienvenu). Bien que son prédécesseur ait effectué un séjour de trois mois à Vienne en 1782, il est en fait rarissime qu’un pontife sorte de ses Etats, à tel point que pour l’organiser, il a fallu chercher dans les archives du Moyen-Age! D’abord, il y a le voyage proprement dit – une carte n’aurait peut-être pas été inutile: Florence, Pistoie, Parme, Turin, la traversée des Alpes par le Mont-Cenis, Chambéry, Lyon, Nevers, et pour finir, une rencontre inopinée (sic) dans la forêt de Fontainebleau avec un Napoléon en habit de chasse (99) ... Un tel convoi ne passe pas inaperçu: les foules évaluées tout de même à quatre millions de personnes (327) se pressent pour voir le pontife, recevoir sa bénédiction, assister aux offices liturgiques qu’il célèbre... J.-M. Ticchi s’attarde à décrire les conditions matérielles avec des détails savoureux d’économie domestique (96) et la suite qui accompagne Pie VII. Arrivé à Paris, le souverain pontife consacre son séjour du 25 novembre au 4 avril, avec un détour à Versailles, à des visites pastorales – chacune des douze paroisses parisiennes reçoit cet honneur, à des audiences, à des négociations car la politique n’est jamais loin. En effet, la prolongation du séjour parisien de Pie VII permet au pape de défendre ses droits de souverain temporel menacés par la France révolutionnaire et au chef de l’Eglise catholique de mettre les yeux sur la réorganisation de l’Eglise de France (circonvenir les évêques constitutionnels intégrés dans l’épiscopat concordataire qui n’ont pas rétracté leur serment, endiguer le schisme de la Petite Eglise, fortifier les congrégations naissantes...). C’est sur ce point que l’apport du livre est le plus précieux: en célébrant la messe pontificale c’est-à-dire en vertu du cérémonial – romain – des évêques, par exemple le Triduum pascal à Châlons-sur-Saône, de nouvelles formes de dévotion – les chemins de croix (361) sur lesquels J.-M. Ticchi est un expert, en distribuant les bénédictions, les indulgences et les chapelets, mais aussi par son abord simple, sa charité et sa piété, le pape se montre en «vainqueur du jansénisme» (365) – le passage à Pistoie, célèbre pour son synode de 1786, et la résipiscence de l’évêque qui l’avait organisé, Scipion de’ Ricci (314), servant de repères à ce déplacement. Le pèlerinage de Pie VII est en quelque sorte la mise en acte de la bulle Auctorem fidei (1794), mieux connue grâce à Philippe Boutry, et le déploiement d’un catholicisme dit intransigeant qui marquera tout le XIX et une bonne partie du XXe siècles. Dire que c’en est désor-mais fini du fébronianisme, du richérisme, du gallicanisme, est évidemment excessif mais la mécanique ultramontaine, et au bout du compte infaillibiliste, est en-clenchée. L’important est de préciser que cet intransigeantisme romain incarné par le pape rencontre l’adhésion populaire, parce qu’il s’agit d’une idéologie populaire, voire populiste, volontiers pointée contre les élites éclairées. La mobilité du succes-seur de Pierre, désormais reconnu comme seul vicaire du Christ au détriment des souverains temporels et des évêques, son inscription dans un espace géographique qui était encore il y a peu celui de campagnes de déchristianisation ou d’une Eglise nationale, la manifestation ostentatoire de sa faiblesse – on pense au mot de Staline: «le pape combien de divisions?», témoignent de ce renversement. Il y a quelque chose de révolutionnaire dans ce transfert d’allégeance, du souverain anciennement très chrétien au pape-roi mais aussi au peuple, dans cette exculturation politique du clergé qui s’annonce alors même que le Concordat fraîchement signé et plus encore les articles organiques sont censés arrimer le catholicisme à l’Etat. Il y aurait à ce titre intérêt à replacer ce voyage heureux entre deux qui le furent moins: le calvaire de Pie VI mort à Valence en 1799 et la présence forcée de Pie VII, à Grenoble, à Nice puis enfin à Fontainebleau entre juin 1812 et janvier 1814 – dont on sait l’importance dans la vocation d’un Lamennais. Enfin, tout autant spectaculaire, loin du cliché du «prisonnier du Vatican» à venir, est cette itinérance médiatique comme on dirait aujourd’hui, cette autorité qui va, qui se donne à voir et qui n’est pas sans annoncer la figure des papes pèlerins, de Paul VI à François, en passant par Jean-Paul II.

Zitierweise Vincent Petit: Rezension zu: Jean-Marc Ticchi, Le Voyage de Pie VII à Paris pour le sacre de Napoléon (1804–1805). Religion, politique et diplomatie, préface de Jacques-Olivier Boudon, Paris, Honoré Champion, 2013. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 108, 2014, S. 509-510. <http://hsozkult.geschichte.hu-berlin.de/infoclio/id=27279>
 
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