C. Schulte: Zimzum, Gott und Weltursprung

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Titel
Zimzum, Gott und Weltursprung.


Autor(en)
Schulte, Christoph
Erschienen
Berlin 2014: Suhrkamp Verlag
Anzahl Seiten
501 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Philipp Valentini

Il est des livres que lʼon lit en se demandant bien dans quel siècle lʼon se trouve, et fort étrangement, cʼest en refermant le livre lu et en regardant autour de soi, que lʼon éprouve cette étrange sensation dʼêtre pour une fois né dans un siècle qui, somme toute, nous convient.

Christoph Schulte propose dans ce livre une histoire de la notion de Zimzum depuis sa conception jusquʼà aujourdʼhui. Cette notion que lʼon trouve dans les écrits de la Cabbale voudrait indiquer lʼidée que lʼinstance divine puisse se rétracter pour laisser une place pour que le monde soit. Christoph Schulte fait le long de cette histoire une réflexion intéressante en distinguant les auteurs qui comprennent cette rétraction comme une métaphore de ceux qui lʼentendent comme un évènement réellement survenu dans la vie de lʼinstance divine. Par ailleurs, et cela est louable, Schulte indique les usages de cette notion aussi bien par les Chrétiens que par les Juifs et donc pointe du doigt les embranche¬ments entre ces communautés.

Néanmoins voici mes réserves. Elles sont au nombre de deux.
La première à trait à la manière dʼécrire un tel ouvrage. Peuton encore écrire en 2014 comme si aucune question nʼavait été faite sur la manière dont le discours universitaire et hégémonique effaçait la question des subalternes dans son discours au nom de lʼillusion, de lʼimpossibilité dʼun oeil universel? Peut-on encore après Jaques Derrida, Jacques Lacan, Edward Said et Gayatri Spivak écrire comme si lʼécriture scientifique de lʼhistorien des idées possédait un oeil universel?

Il découle de ce fait que Schulte impose des prises de positions politiques masquées dans le flux dʼun prétendu savoir scientifique bienveillant qui sont ô combien contestables!

Ainsi la figure de Franz-Josef Molitor (1779−1860) cabbaliste chrétien allemand qui influença fortement le travail de Gershom Scholem (qui inaugura les travaux universitaires sur l‘histoire de la Cabbale cf. [2007], Dark Images, Secret Hints: Benjamin, Scholem, Molitor and the Jewish Tradition, Peter Lang, Bern: un livre que Schulte étrangement ne cite pas...) est traité avec une sympathie assez étrange.

Selon Schulte, Molitor (si nous comprenons bien la page 327−328 et suite) ne conçoit pas le christianisme comme ayant dépassé et rendu obsolète le judaïsme. Dois-je rappeler que par deux fois Molitor interdit aux juifs dʼoccuper la place de Meister vom Stuhl? Dois-je rappeler que aussi bien dans ses écrits de jeunesses que de maturité Molitor explique à qui veut lʼentendre que les Juifs sont des personnes «têtues obsédées par la Loi»? Quʼil laisse entendre par opposition au Juifs réformés, que les Juifs non-réformés sont «sales» et que seuls les Juifs assimilés pourront un jour accepter le christianisme (cf. la lettre de Molitor daté de Juillet 1841 adressé à G.H Schubert, 285−289 in: K. Koch, Franz Joseph Molitor, Walter de Gruyter, Berlin, 2006)? Mais Molitor ne sʼarrête pas ici, selon lui le Juif réformé est excessivement rationaliste. Bref, ni le Juif réformé ni le Juif ‹hyper-orthodoxe› nʼa accès aux grands mystères. Mais pour comprendre comment Molitor subalternise le Juif, il faudrait avant non seulement avoir lu Gayatri Spivak mais en plus faire un effort pour ne pas tomber dans le mêmes erreurs que Molitor à son époque. Le cas de Molitor nʼest quʼun parmi dʼautres au sein de ce livre.

Ma deuxième réserve touche au caractère bibliographique qui me semble souvent daté et plusieurs fois germano-centré. Prenons lʼexemple de Mosche Chajim Luzzatto (1707–1746, p. 234−245). Ici la bibliographie utilisée par Schulte si je ne mʼabuse date au plus proche de 2002. Les études autour du Ramḥal sont pourtant nombreuses que ce soit en italien ou en français. En ce qui concerne lʼItalie (dont le Ramḥal est originaire) rappelons le livre Ramḥal: Pensiero ebraico e kabbalah tra Padova ed Eretz Israel édité par Gadi Luzzatto Voghera e Mauro Perani (2010) et en français la traduction et présentation de lʼouvrage du Ramḥal, La Logique de Talmud par Yohanan Lederman (éd. Eclat, 2013). Enfin, il est remarquable que Mr. Schulte occulte entièrement les travaux de Charles Mopsik (1956−2003)!

Si nous ne saurions nous placer du point de vue de lʼexpert hébraïsant de la Cabbale, nous espérons néanmoins avoir encouragé nos éventuels lecteurs à poursuivre encore une fois une approche des subalternes dʼhier ou dʼaujourdʼhui, et cela par delà les disciplines des uns et des autres, qui puisse sʼécrire différemment que par le passé.

Zitierweise:
Philipp Valentin: Rezension zu: Christoph Schulte, Zimzum, Gott und Weltursprung, Berlin, Suhrkamp Verlag, 2014. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions und Kulturgeschichte, Vol. 109, 2015, S. 488-489.

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