R. Biolzi: Avec le fer et la flamme

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Titel
Avec le fer et la flamme. la guerre entre la Savoie et Fribourg (1447-1448)


Autor(en)
Biolzi, Roberto
Reihe
Cahiers lausannois d’histoire médiévale 49
Erschienen
Lausanne 2009: Université de Lausanne
Anzahl Seiten
311 p.
Preis
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Berguerand Claude

De décembre 1447 à juillet 1448, la ville de Fribourg et la Savoie se sont opposées au cours d’un conflit qui eut par la suite de lourdes conséquences pour les deux parties. Fort heureusement, les vicissitudes de la conservation archivistique nous ont transmis l’intégralité des pièces comptables rédigées par les deux trésoriers des guerres engagés lors de cet affrontement. Cette belle série a permis à Roberto Biolzi d’étayer son étude de l’armée savoyarde au milieu duXVe siècle. L’auteur s’est également appuyé sur la chronique du notaire fribourgeois Jean Gruyère, afin de confronter les données quantitatives issues de l’activité comptable avec celles plus subjectives de cette source narrative.

Avant d’entrer dans le vif de son étude de l’armée savoyarde, Roberto Biolzi résume habilement le contexte historique, les causes ainsi que les conséquences du conflit. Au milieu duXVe siècle, la Savoie avait atteint son apogée sous le règne d’Amédée VIII. Des difficultés politiques et économiques commençaient cependant à apparaître. Les premières étaient liées à la nature duale de l’État savoyard et les secondes aux conséquences d’une politique expansionniste aussi ruineuse qu’inefficace. La ville de Fribourg, sujette des Habsbourg et alliée de la Savoie, était en train de vivre un renversement radical de sa situation. En effet, les conflits récurrents entre les Habsbourg et les Confédérés la poussaient de plus en plus dans l’orbite de ces derniers. La puissance bernoise contraignit également la cité sarinoise à porter ses visées expansionnistes vers l’Ouest, ce qui favorisa les conflits avec son voisin savoyard.

L’auteur poursuit par une analyse de l’administration et de la conduite de l’armée savoyarde fondée sur le corpus de sources dépouillé. Les comptes des trésoriers des guerres étudiés par Roberto Biolzi constituent un témoignage de première main nous éclairant sur les activités de ces officiers apparus au cours du XIVe siècle en réponse aux besoins croissants de l’État en troupes. Choisis pour leurs connaissances financières, leur capacité à avancer les fonds nécessaires à leurs activités et grâce au rapport de confiance établi avec le souverain, ils collaboraient étroitement avec les maréchaux, officiers chargés du commandement et de la gestion administrative de l’armée. Le système des montres et des revues permettait à ces derniers d’évaluer régulièrement les effectifs disponibles et leur capacité à combattre. Sur cette base, les trésoriers pouvaient déterminer le montant des salaires à verser. Roberto Biolzi démontre également le rôle prépondérant joué par la trésorerie générale, organe centralisateur des finances ducales. Dans le cas qui nous occupe, c’est elle qui prodigua aux trésoriers des guerres l’argent nécessaire au paiement des troupes.

Après avoir analysé le financement de la guerre, Roberto Biolzi étudie la composition de l’armée savoyarde. À l’instar du reste de l’Europe au bas Moyen Âge, elle était constituée principalement par la cavalerie et l’infanterie. Les cavaliers lourds, pour la plupart d’origine noble, en formaient le socle. Organisés en lances à trois chevaux, ils se regroupaient en compagnie selon le modèle italien. Au bas Moyen Âge, l’infanterie constituait le deuxième pilierde l’armée. Dans le cas qui nous occupe,Roberto Biolzi n’a dénombré que cinquante pedites dans la comptabilité de guerre. Cela ne signifie pas néanmoins que la Savoie avait renoncé à l’emploi de l’infanterie durant cette campagne. Cependant, contrairement aux habitudes du XVe siècle, le conflit entre Fribourg et la Savoie se caractérise parune prédominance des troupes à cheval, trèsmobiles, et donc bien adaptées à ce conflit d’escarmouches, circoncis aux zones frontalières des deux belligérants. L’artillerie formait le troisième pilier de l’armée. Apparue au milieu du XIVe siècle, elle s’était notablement développée et jouait un rôle stratégique de plus en plus important. En 1448 cependant, les sources révèlent un recours limité à cette arme par la Savoie. L’auteur aborde également la question de la rémunération des soldats en Savoie auXVe siècle en remarquant une tendance à la standardisation des salaires en fonction de l’activité exercée et non plus selon le statut social. Cette évolution est symptomatique du processus de professionnalisation du métier des armes.

Le chapitre suivant traite de l’organisation et la structure du commandement. En Savoie, la responsabilité des armées était confiée à deuxmaréchaux, seuls officiersmilitaires permanents. Issus de la haute noblesse, ils occupaient également les premiers rangs dans le gouvernement du duché. Comme en Bourgogne, les deuxmissions principales du commandant en chef étaient l’organisation administrative de l’armée et la conduite des opérations militaires. L’exercitum dirigée par le maréchal était composée de plusieurs compagnies regroupant un nombre variable de lances et de tireurs. Chacune de ces comitive avait à sa tête un noble qui encaissait la solde au nom de ses hommes. Ces capitaines, que l’on retrouve à la tête des différentes places fortes, devaient probablement exercer un rôle tactique mais les sources comptables ne permettent pas de l’affirmer. Contrairement à la plupart des grands États européens, la Savoie ne disposait pas d’une armée permanente auXVe siècle. Le recrutement se fondait sur le caractère foncièrement militaire de la noblesse savoyarde. En effet, lorsque le duc convoqua ses vassaux pour la guerre contre Fribourg, la plupart d’entre eux répondirent demanière positive, attirés sans doute par l’opportunité de réaliser des gains intéressants. Roberto Biolzimet d’ailleurs bien en évidence le rôle des relations personnelles dans le recrutement de l’armée. Les capitaines étoffaient leurs contingents en faisant appel à des membres de leur lignage ou à des nobles de leur entourage. Ceux-ci amenaient, à leur tour, les cavaliers et tireurs qui les accompagnaient habituellement. Roberto Biolzi conclut son étude de l’armée savoyarde de 1448 en insistant sur le degré de professionnalisation de la noblesse guerrière. La principauté disposait, en effet, d’un noyau de combattants expérimentés dont l’activité guerrière constituait la principale source de revenus.

La dernière partie d’«Avec le fer et la flamme» porte sur la chronique rédigée parJean Gruyère, un notaire fribourgeois contemporain des faits. Dans un premier temps, Roberto Biolzi exploite cette source en effectuant une analyse comparative des effectifs et des pertes des deux parties dans laquelle on constate que le chroniqueur amplifie les données savoyardes etminimise celles concernant sa ville. Dans un deuxième temps, Roberto Biolzi utilise la chronique de Jean Gruyère pour expliciter la tactique des deux belligérants. On constate ainsi que le notaire a bien observé la guerre d’escarmouches menée par les Savoyards, ce qui confirme les résultats fournis par les sources comptables. La source narrative permet également d’entrevoir la composition et la tactique de l’armée fribourgeoise. Constituée principalement de fantassins et d’arquebusiers, elle s’appuyait surune artillerie développée pour défendre lesmurs de la ville de Fribourg. La chronique permet, enfin, de comprendre la tactique d’encerclement progressif d’une cité obligée de capituler au bout de sept mois, vaincue sous le nombre. La présente étude de l’armée savoyarde mise sur pied en 1448, fondée sur une exploitation rigoureuse et exhaustive des sources, tant comptables que narratives, a bien mis en évidence les spécificités de ce conflit. Nous avons ainsi pu nous rendre compte que cette armée, constituée majoritairement de cavaliers, ne correspondait pas forcément à la norme (voir pour comparaison le conflit de 1449 contre Milan). Cette composition particulière généra des frais considérables liés aux soldes élevées de ces combattants. Mis en regard des gains acquis à l’issue du conflit, on ne peut que constater la disproportion des moyens. Ainsi que l’indique l’auteur en conclusion, la guerre accapara une bonne partie des ressources financières et humaines du duché durant la première moitié du XVe siècle, ce qui conduisit à une détérioration de la situation économique. Couplée à l’affaiblissement du pouvoir ducal, cette situation entraîna le lent déclin que connut la Savoie jusqu’à l’avènement d’Emmanuel-Philibert en 1553.

Citation:
Claude Berguerand: Compte rendu de: Roberto Biolzi, «Avec le fer et la flamme»: la guerre entre la Savoie et Fribourg (1447-1448), Lausanne, Cahiers lausannois d’histoire médiévale 49, 2009. Première publication dans: Revue historique vaudoise, tome 118, 2010, p. 288-289.

Redaktion
Veröffentlicht am
29.06.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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